L'amour de la mort [ Libre ]

Daiki, étant déjà venue à la bibliothèque avec Kiyosuke, revint sans se perdre cette fois ! Elle ouvrit la grande porte d'entrée de la bibliothèque avec un grand sourire aux lèvres, prouvant qu'elle était contente mais surtout fière d'elle. Elle referma la porte en silence derrière elle pour ne pas déranger les élèves qui lisaient ou travaillaient déjà, assis à des tables ou simplement par terre. Comme la première fois, Dai regarda la bibliothèque d'une vue quelque peu panoramique, de gauche à droite et vice versa. Elle reconnut quelques têtes, en découvrit d'autres. La vieille bibliothécaire désagréable de l'autre jour n'était plus là. Tant mieux, avec ce qu'elle désirait, elle risquait de faire du bruit en cherchant. Elle se dirigea lentement dans un rayon, puis en ressortit, l'air dépité de ne pas avoir trouvé. Elle entra dans un autre et le longea longuement, en silence, l'air très passionné. Elle lisait les titres et les noms d'auteurs de chaque livre, ce qui faisait beaucoup. Puis, elle se mit à soupirer. Ni dans le rayon de philosophie, ni dans le rayon de psychologie elle n'avait trouvé son bonheur. Peut-être était-il emprunté, ou simplement en réserve, ou encore en possession du bibliothécaire. Elle prit son courage à deux mains, n'osant pas importuner les autres, puis se dirigea vers le bureau du bibliothécaire. Contrairement à la vieille femme de l'autre fois, cet homme était beau, avec de longs cheveux argentés et des yeux d'un vert perçant. Plus agréable à regarder que l'autre, là xD. Elle toussota.

Daiki avait regardé rapidement les images qu'elle pouvait voir de là où elle était, ceux du livre de Sephiroth. Il paraissait passionné par ce genre d'images ? Quelle expression il avait lorsqu'il posait ses yeux verts sur une nouvelle image sanglante et morbide ! Quelle sensation de danger avait-elle ressenti quand Sephiroth s'était passé la langue sur les lèvres ! L'espace d'un instant, elle eut froid dans le dos, mais elle ne le laissa pas paraître. Lorsqu'il leva les yeux vers elle, elle soutint son regard. Rien n'était plus impoli que de ne pas regarder quelqu'un. Cependant elle se sentit quelque peu mal à l'aise lorsque Sephiroth sembla la détailler "entièrement" et probablement d'un oeil expert. Dai le regarda ensuite se lever. Il était très grand et très mystérieux, voilà les premières impressions. Elle était également fascinée par ses cheveux et ses yeux. Il prit la parole et elle l'écouta avec soin. Sa voix était posée et impérieuse. Elle frisonna quand Sephiroth fit glisser ensuite le livre demandé dans ses mains... Puis, après la phrase du bibliothécaire, vaste mais concrète dans le cas présent, ses joues rosirent légèrement. Elle baffouilla.

" Je vous remercie pour le livre... Mais... Vous savez, le Bien et le Mal n'englobent pas que l'Amour. Le Bien et le Mal, ce sont des tout. C'est ce qui compose les esprits, le monde et les deux sont effectivement englobés dans l'Amour. Je ne pense pas que tous les hommes cherchent à trouver la femme parfaite. Certains sont abjects et ne cherchent que plaisir. D'autres peuvent également vivre sans y penser, laissant les évènements venir... "

Elle avait dit cela en détournant les yeux de temps en temps tant le regard du bibliothécaire était déroutant. Pourquoi la regardait-il ainsi ? Elle releva les yeux.

" Votre dernière phrase, cet accomplissement... C'est embarrassant. "

Loin d'elle l'idée de vouloir lui dire par sous-entendu "Vous m'importunez, merc, au revoir", mais elle disait ce qu'il était juste : elle était gênée. Ben oui, elle arrivait pour un livre et on lui sortait ça, il y avait de quoi être gênée !

Ce fut après la première réponse de Sephiroth que Daiki écarquilla les yeux en baffouillant. Elle resserra sa prise sur le livre qu'il lui avait donné quelques instants auparavant. Eprouver du plaisir ? Un homme pouvait-il éprouver du plaisir à la vue du corps fin de Dai ? Il y avait énormément d'autres filles mieux formées qu'elle ! Du plaisir à regarder ? Certes Dai ne doutait pas de son physique, elle savait que quelque part elle était jolie et qu'elle plaisait, mais à ce point ça la surprenait. Et puis... De l'amour, si vite ? Elle ne lui avait adressé la parole que depuis cinq petites minutes et ce, pour un livre de Nietzsche ! Daiki eut alors un souvenir pénible en tête. Elle se voyait, quelques mois auparavant, un an tout au plus. Quand elle l'avait vu. La première fois, elle croyait que c'était de l'amour, mais la première fois cela ne se pouvait. C'était de l'admiration, de la fascination. Ce fut de l'amour après. Elle eut un pincement au coeur en repensant à la fin. Quand elle rouvrit les yeux, Sephiroth se tenait tout près d'elle, une main sur son épaule et le visage près de son oreille. Elle sursauta. Oui, elle voulait faire plaisir à son entourage, à toujours être souriante, plaire et donner ce qu'elle pouvait pour n'importuner personne et ne pas être rejetée, mais elle trouvait que Sephiroth poussait un peu. Elle ne cessait de se poser ces questions : pourquoi ? Si vite ? Sans connaître ? Quelles intentions ? Elle se recula de quelques pas, timidement, sans s'être rendue compte que le livre avait glissé de ses mains.

" Ce que vous dites est très gênant, vous frôlez l'indécence. Comment voulez-vous que j'éprouve quelque chose, sans vous connaître, si vite ? Pour qui me prenez vous... "

Elle le regarda avec plus de franchise et moins d'approbation dans le regard. Puis elle baissa les yeux et vit le livre, qui n'avait aucun dommage, mais au sol. Elle s'accroupit et le reprit dans ses mains, précieusement.

" Excusez-moi, si le livre est endommagé ailleurs, je le rembourserai. Je remarque votre amour spécial pour les livres, mais... Sachez que je ne suis pas si facile. "

Sous-entendu peut être ? Fallait-il savoir la conquérir alors ?

Daiki se releva alors que Sephiroth parlait. Certes elle ne pensait pas à cette optique quant à éprouver des sentiments. Cela serait plutôt des ressentiments, non ? Mais repenser à son passé l'avait induite en erreur, et elle voyait bien que Sephiroth aimait jouer sur les mots. Alors elle se tenait prête, prête à répondre bien là où il faut. Cependant il se trompait, elle n'avait pas ressenti la haine ou la colère envers lui. Jusqu'ici ce n'était que de l'incompréhension et de la surprise négative. Elle eut un mouvement de recul lorsqu'il avança. Etait-ce de la peur qu'elle ressentait maintenant ? Non, pas de la peur. De la méfiance, mais dans l'unique but de se protéger elle-même. Pas de la méfiance gratuite et inutile. Elle hésita longuement à le suivre et, réflechissant toujours en silence sur quelconque sens caché de ces phrases, avança lentement derrière lui. Pourquoi désirait-il tant lui enseigner par les livres ? Elle n'avait pas toujours besoin d'eux pour apprendre, elle pouvait apprendre grâce aux autres, ou à ses erreurs ! Dai regarda Sephiroth d'un air suspicieux puis porta son attention aux livres. Il y en avait des multitudes d'auteurs différents et de sujets différents. Elle ne comprenait pas comment étaient classés ces livres d'ailleurs, voilà pourquoi elle hésita à en prendre un. Le livre de Nietzsche toujours en main, elle prit la parole.

" Ecoutez, euh, Monsieur (elle se rendait compte qu'elle ne savait pas comment l'appeler, ce qui la gênait un peu). Vis à vis de quoi voulez-vous que j'épprouve des sentiments ? Vous avez raison. On en éprouve pour tout et n'importe quoi. Vous vous êtes trompé sur mon compte comme je me suis trompée sur le vôtre. Je ne ressens pas de haine ou de colère. J'ai encore du mal à comprendre votre façon d'agir, votre but... Pour le moment, mon désir est de lire le livre que vous m'avez confié ; prendre un livre ici au hasard serait déplacé de ma part, sachant que je n'en connais pas forcément le contenu. "

Elle se mit bien face à Sephiroth avec un léger sourire aux lèvres. Plus elle essayait de comprendre, moins elle savait assembler les pièces du puzzle. Un proverbe japonais dit que le phare n'éclaire pas son pied. Effectivement, peut-être que la réponse est tout près d'elle, mais qu'elle ne la voit pas. Quoiqu'il en était, Daiki trouvait que Sephiroth était quelqu'un de très intéressant.

" Et vous, qu'éprouvez-vous en cet instant ? Si vous avez une leçon à me faire savoir, dites-le, alors. "

Alors que Daiki s'apprêtait à répondre à la longue déclaration de Sephiroth, celui-ci se prit la tête entre ses mains. Il paraissait souffrir de sacrées migraines, au point qu'il resserra ses doigts, et que ses jointures devinrent blanches. Elle pensait comme lui ; elle ne croyait pas en la prédestination, ni le déterminisme. Tout cela était futilité ; la croyance absurde que quelqu'un puisse gérer SA vie insupportait Dai. Et c'était aussi pour cela qu'elle n'était croyante en rien. La vie de toute personne ne tenait qu'à elle, et sa propre vie en particulier. Ses joies et ses souffrances ne pouvaient être le fruit d'un écrit sacré. Chaque humain est seul maître de lui-même. Daiki tendit sa main vers Sephiroth tant il paraissait avoir mal. Elle allait lui demander si ça allait quand il sortit une phrase plus ou moins incongrue. Ce fut après l'avoir entendue qu'elle rabaissa la main et qu'elle se recula, les yeux toujours écarquillés tant elle était surprise. Puis tout sembla redevenir normal, du moins presque tout.

- Ou suis-je ? Pourquoi me regarde tu comme ça que c’est t’il passé ? Je me rappeléd’etre en train de lire un livre et puis plus rien… Désolé je ne suis plus moi-même en ce moment ….

Après cette phrase Dai déglutit. Elle se dit qu'il ne vallait mieux pas dire ce qu'il avait prononcé, il n'avait pas l'air de s'en souvenir. Que lui arrivait-il, enfin ? Etait-ce une comédie, une fabulation ? Cela n'en avait pas l'air. En tout cas le timbre de sa voix avait changé, il semblait plus docile. De la schizophrénie ? Daiki ne savait plus où se placer.

" Nous... Sommes dans votre lieu de travail. Vous ne vous souvenez pas ? Vous m'avez donné ce livre que je vous ai demandé et m'avez tenu des propos étranges. "

*Non mais c'est quoi ce cirque ? O__o*

Daiki regarda Sephiroth tacher le sol de sang et se relever. L'inquiétude la paralysait, c'était la première fois qu'elle voyait un tel cas de schizophrénie. Généralement ce n'est pas si violent au point qu'on s'en retrouve par terre... Dai s'en voulait de ne pas avoir osé venir en aide au bibliothécaire. Lorsqu'il s'essuya la bouche, elle regarda aux alentours, et voyant que plus personne n'était là, ce fut en poussant un soupir de soulagement qu'elle s'accroupit au sol pour nettoyer le sang sur le carrelage. Ben oui, imaginez la tête des gens à venir quand il verront ça ! Puis elle replia son mouchoir en cotton blanc, le remit dans la poche de sa jupe écossaise et s'approcha du bureau prudemment. Elle ne savait pas trop comment réagir mais il était bien plus gentil que précédemment. Enfin... Il était aussi gentil avant mais d'une autre façon, plus étrange... Plus incompréhensible. Elle sourit à Sephiroth comme pour le rassurer et se rassurer elle-même.

" Votre autre vous... Ah ! Mais ne vous en faites pas, il ne m'a rien fait, et il ne semblait pas me vouloir de mal. Il était juste un peu bizarre. "

Le fait de dire "il" alors qu'elle parlait à la personne concernée lui semblait plutôt étrange, mais elle continua :

" Eh bien, à l'origine j'étais juste venue demander ce livre, mais v... il s'est mis à discuter de Nietzsche avec moi. D'ailleurs je promets de dédommager le livre si je le trouve abîmé. Après, c'était un peu flou je vous avouerais, mais ça ne m'a pas dérangée ^^ Si vous voulez, j'ai du temps devant moi, on peut continuer de parler, si ça ne vous dérange pas. Après tout, il n'y a personne ici, plus maintenant. "