And you don't seem to understand... [PV Nagoyaka]

... A shame you seemed an honest man. And all the fears you hold so dear.

Tourmentée, la jeune Yû Shirasaki marchait à travers les couloir du grand pensionnat de la ville de Nagoya appelé Lycée de Shimizu, dans lequel elle avait integré depuis déjà quelques semaines, environs trois, pas plus. Ne se sentant plus comme une nouvelle, l'adolescente connaissait désormais les chemins à prendre pour pouvoir se rendre plus rapidement en cours, à la cafétéria quand la faim se sentait dans son ventre, ou alors pour assister à de nombreux cours de soutient donc elle avait vraiment besoin. Cette fois-ci, la lycéenne chercha des yeux l'infirmerie, en effet, ayant beaucoup trop travaillée pour un devoir à rendre, plus précisément, c'était un contrôle à revoir et à refaire pour mieux se préparer au prochain test, et vu que Yû était quelqu'un qui stressait beaucoup et pour rien, elle avait passé des jours à bien tout apprendre, sans voir l'heure passé, durant tout le week-end. Munie de son portable auquel elle avait relié des écouteurs à celui-ci, vu qu'il faisait office de MP3 comme fonction, la Shirasaki écoutait une chanson en anglaise, ne comprenant pas vraiment les paroles, elle pouvait quand même ressentir la pitié, la tristesse par le rythme, la musique et la voix de la chanteuse.

Sa fatigue s'accentuait de plus en plus, et sa vue se brouillait petit à petit, c'était la raison pour laquelle, elle cherchait à toute allure l'infirmerie pour demander des médicaments, ne serait-ce que pour tenir éveillée pendant cette journée assez chaude. Dans le dortoir, il régnait une chaleur incomparable, la jeune fille étouffait déjà et préférait sortir de la petite salle pour se dégourdir les jambes mais au vu de la situation, elle se sentait de plus en plus mal et titubait dans les couloirs, tenant son portable à la main, le serrant.

La chanson qui passait en boucle dans l'appareil n'arrangea pas les choses. Elle l'écouta et put comprendre quelques paroles pour ainsi traduire comme la peur, la compréhension, le malaise, les sentiments qu'elle ressentait juste à l'instant. Elle se faisait des films, allait-elle réussir son test? Etait-elle vraiment une personne se jugeant comme être celle qui n'y arrivera pas plus tard ? Ne peut-elle pas surpasser ses surdoués de frères ?

Yû continua un peu et se tint alors à la poignet d'une porte qu'elle fit alors coulisser tombant pour son plus grand bonheur dans l'infirmerie. La salle était assez grande, un lit pour se reposer et une armoire contenant des médicaments. Vite, elle n'allait plus tenir. Trop tard, elle tomba à genoux, les écouteurs sur le sol, ainsi que le portable, la Shirasaki mit ses mains par terre pour se soutenir, ne devant pas tomber.

- Par .. Pardon .. Est-ce que vous auriez des .. Calmants ? Des médicaments pour que je puisse rester éveillée, du moins ?

Demanda t-elle en relevant sa tête. Elle était fatiguée, cela se voyait bien, et ce n'était pas en se commençant à se droguer de médicaments qui ne feront qu'accentuer son malaise que ça allait passer. Elle entendit la musique de son portable, et passa une main sur son front.


Will turn to whisper in your ear. And you know what they say might hurt you. [ . . . ]

La journée était longue et ennuyeuse. Rien ne s'était passé d'interessant. Enfin, rien hors du commun. A part quelques élèves pris de mal de ventre ou de tête, ou ayant juste besoin d'un peu de repos. Sinon, c'était mort, et l'infirmier ne savait pas quoi faire pour s'occuper. Il eût d'abord une idée: ranger et trier sa paperasse. Mais cela ne lui prit qu'une heure, ce qui n'était pas très long. Puis il avait fait les cents pas dans toute la pièce, jetant un regard furtif à l'horloge qui était accrochée au mur, espérant que le temps passerait plus vite. Mais il n'en était rien. Et maintenant il était assis sur sa chaise, à son bureau. Il avait la tête en arrière et regardait le plafond, la bouche entrouverte, le regard vide et vague.
Il passa sa main à son cou, et effleura ses bandages. Ils ne servaient qu'à cacher le rappel de son erreur passée. Le jour où il avait tué sa soeur. Il mit sa main à son visage et se frotta les yeux, comme pour s'empêcher de pleurer. Ce souvenir était si douloureux, mais il l'avait mérité.

"Hana..."

Il avait prononcé le nom de sa soeur avec une voix pleine de tristesse. Non. Il n'avait pas le droit de l'appeler. Il ne le méritait pas. Il devait juste se rappeler que c'était de sa faute. Et ses cicatrices en étaient le rappel. Elles étaient comme les blessures à son coeur, jamais elles ne disparaîtraient.
Quand il se réveilla, ce fût par le bruit d'une porte. Une porte qui s'ouvre. Il s'était assoupi combien de temps? Il se leva de sa chaise et regarda l'heure. Il avait dormi durant deux bonnes heures. Pourtant il lui avait semblé qu'il n'avait même pas fermé l'oeil pendant 3 minutes. Comme d'habitude, son sommeil lui semblait court.
Un bruit sourd lui rappela que quelqu'un était entré. Il se précipita dans la pièce où les patients se reposaient. Il vit alors une jeune fille, à genoux, se tenant desespérément au sol pour ne pas tomber. Cela se voyait qu'elle luttait. Mais malgré cela elle prit la parole:


- Par .. Pardon .. Est-ce que vous auriez des .. Calmants ? Des médicaments pour que je puisse rester éveillée, du moins ?

Il s'approcha d'elle et l'aida à se relever. Le visage de la jeune fille était pâle. Il la porta et la déposa dans le lit où elle serait mieux. Puis il fouillait dans l'armoire. Il ne s'y retrouvait pas encore, ce n'était que son deuxième jour dans le lycée. Mais il finit par trouver ce qu'il voulait, et s'approcha de la jeune fille. Elle semblait très fatiguée.

"Ce qu'il vous faut, ce n'est pas un médicament pour rester éveillée, au contraire, cela ne ferait qu'empirer les choses. Je vous conseille de vous reposer."

Il avait dit cela sur un ton froid et impassible. Il prit ensuite ce qu'il avait cherché tout à l'heure, et il prenait sa tension. Puis il lui dit, toujours sur le même ton:

"Reposez-vous. Je suppose que c'est de la fatigue dû à un surmenage. Je vous ausculterai après que vous vous soyez reposée un minimum. Je reprendrai aussi votre tension. Et ainsi je pourrais en savoir la cause réelle."

Il ramassa les objets qu'elle avait laissé tomber tout à l'heure, et les posa sur une table. Cette fois, ce n'était pas une blague. Cette jeune fille se sentait vraiment mal. Mais il n'allait pas l'accabler de questions pour le moment, il fallait d'abord qu'elle se repose. Ensuite il essaierai de voir d'où venait cette fatigue.
Il jeta un coup d'oeil à la jeune fille, et retourna dans son bureau, en précisant une dernière chose:

"Appellez-moi si vous avez un problème, sinon je ne veux pas vous entendre."

Et il ferma la porte.

Yû resta immobile, accroupie, les mains sur le sol, essayant de tenir bon pour ne pas tomber, ou pire sombrer dans le coma. La jeune fille fut vite transportée sur le lit de l'infirmerie par le mèdecin de l'école, elle ne l'avait d'ailleurs jamais et c'était la première fois qu'elle le rencontrait. Elle était donc allongée, la tête posée sur un oreiller moellex, le regard fixant le plafond blanc accompagné de quelques lumières qui pouvaient vous aveugler si jamais vous rester dans cette position assez longtemps. Elle ne voulait pas se reposer mais pouvoir tenir, et rester éveillée. L'infirmier, Nagoyaka, lui déclara qu'il fallait qu'elle se repose, les médicaments ne feront rien qu'empirer son état actuel. La Shirasaki croisa le regard de Nagoyaka, il semblait être quelqu'un de distant, froid, associal peut-être ? Elle ne le savait pas, et cela la fit alors réfléchir.

Du surmenage ? Son état était donc dû à ça ? La jeune fille n'y croyait pas trop, à vrai dire, c'était sûrement la première fois qu'elle subissait ce genre de chose. Elle avait tellement travailler pour pouvoir réussir le contrôle, bien qu'elle eut beaucoup réviser, elle avait toujours cette panique en elle, se faisant des films, le stress qui montait au plus haut point. Oui, elle avait peur. Juste pour ça ? Sans doute.

L'infirmier ne fit que dire qu'il l'ausculterait, et prendrait sa tension tout à l'heure quand Yû serait déjà assez reposée. La jeune fille ne put dire autres choses qu'il partit, du moins, rejoignit son bureau. Oui, cet homme était sûrement quelqu'un d'assez distant, de torturé ? Elle avait put l'observer pendant qu'il lui parlait. Nagoyaka était une personne possédant des yeux de couleur rouge, comme le sang, des cheveux blancs .. Tiens comme Draco Ninami ? Il était albinos ? La Shirasaki, les mains sur son ventre, se tortilla les doigts, signe de nervosité. Elle essayait de revoir l'image du docteur dans son esprit, analyser, du moins.

Elle avait même remarqué les bandages qu'il avait à son cou. Blessure ? Sûrement. Ou était-ce pour le style ? L'adolescente soupira alors, ferma les yeux pendant quelques instants, le sommeil ne venait pas. Au contraire, elle ne voulait pas du tout dormir. Son bras sur ses yeux, elle repensa à tout ce qu'il lui était arrivé jusqu'à voir passer un flash. Des images défilant dans sa tête.

- Je vais bien.

Murmura t-elle à elle-même. Du moins, elle essayait de se convaincre. Son regard était caché par son bras, mais son esprit était quelque peu pertubé. Elle s'était dit de faire de son mieux dans cette école, mais depuis son arrivée, elle n'avait pas arrêté de faire des gaffes, des bêtises. Elle avait même pleuré repensant aux remarques blessantes de sa famille. D'ailleurs, elle y pensait. Ses parents ainsi que ses frères. Des personnes hypocrites ne pensant qu'à diriger et contrôler les autres tout ça, parce qu'ils étaient surdoués. Yû ? Elle, n'était qu'une petite fille n'ayant même pas cette haute intelligence. Très vite rejetée par cette riche famille, la Shirasaki ne pouvait pas faire le poids, elle n'était pas digne d'être une Shirasaki.

Yû, idiote ! Quelqu'un de ton espèce n'a pas le mérite de faire parti de cette famille !

Cette phrase, elle résonait dans son esprit. Elle revoyait alors cette scène, son père la disputant, la main levée pour la giffler, dans le but de lui remettre les idées de son enfant en place. Yû, elle, encore plus jeune, tenait un petit panda dans ses bras, sanglotant. '' Papa, pourquoi tu ne m'aimes pas ? Papa .. Papa .. '' '' Moi qui croyait que tu serai comme tes frères, surdouée et ayant comme ambition de diriger. Ma fille, tu ne peux être mon enfant. ''

Plus jeune, Yû ne pouvait pas comprendre mais maintenant qu'elle possédait l'âge pour pouvoir saisir ce sens, elle se disait que c'était peut-être bien fait pour elle. Fille beaucoup trop gentille, elle s'était vite fait écrasée par les autres. Loin des siens, elle était désormais seule, ici, dans cet établissement. Son cousin était là, certes, mais pour toute la vie ? La Shirasaki ne pouvait se résoudre à tout le temps être accompagnée. Les efforts qu'elle essayait de faire, c'était comme si ils étaient déjà réduits à néant. Là, elle tombait malade et était allongée sur le lit, à devoir dormir. De ses yeux camouflés par son bras, des larmes perlèrent sa joue, elle serra les dents, essayant d'oublier cette scène mais impossible. Son pessimisme était en train de l'envahir.

- S'il .. S'il vous plaît ... J'en ai assez ... Donnez-moi des calmants ... Pour que .. Pour que ...

Elle n'arrivait plus à parler, elle demandait sûrement de l'aide, oui ? Enfin .. Cela ne pourrait que faire empirer son stress, ainsi que son obsession de devoir être la meilleure alors qu'elle n'y arrivait même pas. Nagoyaka avait précisé qu'il ne voulait pas que sa patiente parle ? Ce n'était pas gagné.

Il était retourné dans son bureau, laissant la jeune fille seule dans l'autre pièce. Son masque impassible laissa place à un visage angoissé et anxieux. Il s'était encore montré froid, alors qu'elle semblait plus avoir besoin de quelqu'un à ses côtés, ou du moins pour qu'elle s'endorme. Mais il se devait de ne pas s'attacher. Il s'efforçait de ne pas rester avec la jeune fille. C'était dur, mais il le devait.

Il s'assit à son bureau, réfléchissant à l'état de cette dernière. Peut-être que sa première impression était la bonne? Peut-être que c'était du surmenage. Ou sûrement qu'elle était insomniac. Une chute de tension? Du stress? En tout cas, elle semblait vraiment très mal, et il ferait tout pour qu'elle aille mieux. Du moins sur le plan physique. Pour le reste, il n'était pas très doué. De plus, c'était assez dur pour lui, cette jeune fille ayant des traits communs avec sa soeur. Elle lui ressemblait: les yeux bleus, les longs et soyeux cheveux (ormi la couleur), assez petite. C'est vrai qu'il n'était pas rare de croiser des filles avec ces traits physiques, mais c'était presque pareil avec toutes les autres jeunes filles correspondantes à la description de Hana. De toutes manières, dès qu'il voyait une jeune fille, elle lui rappelait automatiquement sa soeur. C'était comme ses cicatrices. Malgré tout, avec elle, c'était différent. Elle avait les mêmes yeux que Hana. Oui. C'était ses yeux à elle.

Il enfouit son visage dans ses mains, et se mordit les lèvres. Il avait encore tout gâché. S'il ne s'était pas plaind de cette journée, peut-être qu'elle ne se serait pas senti mal. C'était de sa faute si elle était là sur le lit, à lutter contre la fatigue alors qu'elle était mal en point. C'était parce qu'il était maudit. Il avait maudit cette jeune fille à son tour, en souhaitant que quelque chose se passe, et maintanant elle était malade. De sa faute. Toujours à cause de lui.

Il entendit un murmure. C'était la jeune fille d'à côté. Il se dit que c'était son imagination, mais changea vite d'avis lorsqu'il l'entendit supplier d'une voix tremblante et faible. "Des calmants"? Mais elle était folle? Elle ne voulait faire qu'empirer son état? Il sortit donc de son bureau et s'approcha du lit. Son état ne s'était pas amélioré du tout. C'était pire. Elle semblait si épuisée, surtout psychologiquement bizarrement.

"Tu n'as sûrement pas besoin de calmants! Tu dois te reposer."

Il lui avait jeté ça à la figure. Mais au fond de lui il était très inquiet. Qu'est-ce qu'elle avait? Il s'empressa de chercher un gant de toilette, et le
passa sous de l'eau froide. Il revint près d'elle, et lui posa sur le front.

"Ca te rafraîchira un peu. Je vais te chercher des somnifères."

Normalement il n'avait pas le droit d'en donner sans préscription. La petite pouvait en être allergique. Mais il s'en fichait. Il fallait qu'elle dorme, et ces somnifères l'aideraient. Il prit un verre d'eau et s'approcha à nouveau d'elle. Il lui tendit le comprimé et le verre d'eau.

"Avale ça."

Il fixait la jeune fille. Elle n'arrivait sûrement plus à bouger. Mais il ne devait pas l'aider. Il devait rester froid. Coûte que coûte. C'est pourquoi il attendait qu'elle les prenne, espérant intérieurement qu'elle ne se forcerait pas.

Yû luttait contre ses pensées négatives, elle revoyait toutes les scènes avec ses parents qui la disputaient, elle, cette petite fille si fragile, qui pleurait parce qu'elle sentait que tout le monde était distant avec elle. Elle respirait très vite, voyant les images défilaient dans son esprit, elle n'arrivait plus à se détacher de ces sortes de pièces qui pouvaient lui faire mal, son coeur, non, il n'était pas rempli d'amours mais plutôt d'angoisse, de tristesse. Elle faisait tout pour le cacher aux yeux des autres, mais peu après, on la reperait dans un coin, recroquevillée sur elle-même, pleurant, sanglotant à chaudes larmes, se lamentant des efforts perdus qu'elle avait dû tout faire pour en arriver à là.

Elle laissait ses pleurs s'en allaient, montrant alors aux autres ce qu'elle était vraiment. Quelqu'un qui avait peur de tout, qu'on soit distant avec elle, tout ce qu'elle avait subi étant plus jeune, elle ne voulait plus le retrouver aujourd'hui. La Shirasaki enleva son bras de ses yeux pour entendre alors le jeune Nagoyaka déclarer qu'il ne fallait pas qu'elle prenne des calmants, elle va en devenir folle à en vouloir ! L'adolescente ne pouvait se résigner de continuer à pleurer, les larmes coulèrent toutes seules. Elle sentit alors un gant de toilette humide, froid sur son front, cela lui fit un peu de bien, et elle cessa de trembler. Elle tourna sa tête vers Nagoyaka, l'infirmier qu'elle trouvait mystérieux car il dégageait une sorte d'aura assez étrange à décrire. Son regard était froid, vide d'émotions ? Elle fixa alors un peu ses yeux rouges, de son regard un peu pâle qui commençait à reprendre des couleurs.

- Vous ... Vous ...

Disait-elle en essayant de bien parler, bien qu'elle était encore sous la panique. Nagoyaka revint alors avec des comprimés, des somnifères ? Mais Yû n'en avait pas besoin, elle ne voulait pas dormir et pourtant ... La Shirasaki se redressa alors, prenant le gant de toilette qu'elle posa sur la petite table située près du lit, prit le verre d'eau ainsi que le comprimé. Elle doutait, elle n'en avait jamais pris, de ce genre de médicament.

- Monsieur ...

Murmurait-elle en fixant le comprimé qui nageait dans la paume de sa main. Elle tremblait, et cela se voyait vu l'eau dans le verre qui bougeait de la même façon. Toujours en larmes, Yû hésitait à le prendre, qu'est-ce que ça lui fera d'abord ?

- Je peux le prendre ... Le prendre .. Tout à l'heure ? Heh .. ?

Demanda t-elle en regardant Nagoyaka, les yeux pleurant. Elle avait honte de se montrer de la sorte mais quand elle repensait à toutes ces scènes, elle paniquait et ne savait plus comment sortir de cette sorte de prison du passé. Elle discutait en plus les ordres de l'infirmier, allons bon !

La jeune fille s'était redressée et avait pris les somnifères et le verre d'eau. Elle tremblait et pleurait. Elle lui semblait si faible. Et du repos lui ferait du bien. Alors pourquoi venait-elle de lui demander si elle pouvait les prendre plus tard? C'était incompréhensible. Nagoyaka voulut insister, mais le regard suppliant de la jeune fille...ses yeux...ils lui rappelaient Hana. Il ne pouvait pas lutter contre ces yeux là. C'était impossible. Pourtant elle devait dormir. Il plongea à nouveau son regard dans le sien, et eût, le moment d'un instant, un regard remplit de culpabilité. Il porta sa main à son visage et se frotta les yeux.

"Je ne peux pas lutter..."

Il avait prononcé ces mots à voix haute sans s'en rendre compte. Puis il soupira. Que devait-il faire? Il n'allait tout de même pas la laisser seule dans cette pièce. Elle voulait sûrement du réconfort. Mais ce n'était pas lui qui arrangerait les choses, au contraire, cela empirerait. Il ne savait vraiment pas quoi faire. Devait-il l'aider à se confier? Ou devait-il appeler ses parents? Mais oui. C'était une bonne idée. Peut-être que chez elle, elle se sentirait mieux. Le lycée la stressait sûrement, et comme elle avait l'air d'être quelqu'un qui n'aime pas embêter les autres, elle se sentait mal à l'aise de dormir ici. Enfin, peut-être...Il l'espérait pour elle en tout cas.
Il tourna ses yeux rouges vers la jeune fille, mais les détourna aussitôt après avoir croisé son regard. Ses yeux bleus. Il ne pouvait pas la regarder en face. Il prit quand même la parole, toujours d'un air impassible et avec un ton froid:

"Je vais appeler tes parents, donne moi ton nom et ta classe."

Il s'était levé et dirigé vers son bureau, le téléphone se trouvant là-bas. Mais aussi l'ordinateur qui allait gentillement trouver le numéro de la jeune fille. Il s'arrêta net alors qu'il était dans l'encadrement de la porte. Un élève venait d'entrer dans la pièce. L'infirmier se tourna vers lui, l'air très sévère:

"On ne t'a jamais appris à toquer avant d'entrer? Je te prierais donc t'attendre dehors, ou d'aller voir un autre infirmier. Parce que pour le moment je suis très occupé."

Avec ces paroles blessantes, il avait lancé un regard noir au gamin, qui sortit en s'excusant. Nagoyaka savait que l'enfant râlait et l'insultait derrière cette porte, mais il se dit que c'était mieux ainsi. Il soupira et se tourna vers la jeune fille.

"Bon, j'attends toujours ton nom et ta classe."

Yû pleurait toujours, non, en fait, elle se forcer à arrêter de sangloter mais elle n'y parvenait pas, les larmes perlèrent toujours son visage, l'angoisse ainsi que l'anxiété l'avait carrément paralysée, elle n'arrivait plus à lutter et semblait avoir laisser tomber, abandonné ce sorte de combat contre ces sentiments négatifs, ces derniers qu'elle ressentait juste à l'instant, dans l'infirmerie, auprès de Nagoyaka. D'ailleurs, elle croisa son regard, toujours aussi froid mais il y'avait un côté inconnu qui essayait de se dévoiler, la tristesse sans doute ? L'infirmier prononça alors quelque chose, la Shirasaki l'avait entendu, contre quoi, ne pouvait-il pas combattre ? Etait-il mal à l'aise dans cette pièce ? L'adolescente vit alors le docteur se déplacer, vers son bureau, elle entendit celui-ci prendre le téléphone. Quoi ? Que voulait-il faire ? Appeler l'ambulance ? Non, un psychologue ?

La jeune fille, prise de panique, reposa alors le verre d'eau ainsi que le comprimé à côté sur la petite table située près de son lit. Elle venait tout juste de le savoir, Nagoyaka allait appeler ses parents, ce que redoutait l'adolescente qui sortit du lit, titubant alors vers le bureau de l'infirmier, elle posa ses petites mains sur la table froide rempli de bric à brac de l'infirmerie. Elle essaya de calmer ses pleurs, tout en regardant le jeune homme. Pourquoi appeler la famille de la Shirasaki ? Ils ne la reprendront plus sous leur toit. Si Yû avait été envoyé ici, c'était pour qu'elle y reste, point barre. Elle avait été honteuse envers les siens, elle avait commis cette erreur, cette dernière qui avait fait en sorte que le père envoie sa propre enfant dans ce pensionnat, loin de la grande maison.

Yû, déjà, ne voulait plus y retourner, rentrer chez elle, c'était combattre le regard haineux de ses parents, ainsi que de ses frères. De plus, elle se laisserait enfermée dans ce bâtiment encore une fois, sans pour autant vouloir sortir car elle n'avait pas le droit, juste parce qu'elle n'était pas une surdouée comme tous les autres membres. Elle ne pouvait supporter cette idée noire, alors autant rester à Shimizu.

Elle bougea négativement sa tête, envers l'infirmier.

- No.. Non, s'il vous plaît. N'appelez pas mes parents.

Demanda t-elle en essuyant ses larmes, et essayant de se calmer.

- Cela ne servira à rien. Ils .. Ils m'ont rejeté. Je ne veux plus retourner dans cette maison où l'air est étouffante. Je vous en prie ! Je vous en prie ! Je ferai tout pour que vous n'appeliez pas. S'il vous plaît.

Disait-elle en regardant Nagoyaka, elle essayait de sourire sous ses larmes, mais c'était tellement difficile, la douleur qu'elle ressentait était tellement intense qu'elle en tremblait. Et encore une fois..

- S'il vous plaît ..

Nagoyaka était retourné dans son bureau et avait pris le téléphone. De l'autre main il chercherait le numéro de la jeune fille après qu'elle lui ait donné son nom et sa classe, mais celle-ci ne répondit pas à sa question. Elle entra et posa ses mains sur la table, y mettant encore plus de désordre qu'avant. Elle semblait desespéré et essayait de calmer ses larmes. Tandis que l'infirmier, lui, ne savait pas comment réagir.

"No.. Non, s'il vous plaît. N'appelez pas mes parents. Cela ne servira à rien. Ils .. Ils m'ont rejeté. Je ne veux plus retourner dans cette maison où l'air est étouffante. Je vous en prie ! Je vous en prie ! Je ferai tout pour que vous n'appeliez pas. S'il vous plaît."

La jeune fille continua de le supplier. Ses yeux bleus remplis de tristesse l'imploraient. C'était trop dur. Il avait l'impression que sa soeur était revenu le hanter. Pourquoi? Pourquoi ne le laissait-elle pas tranquille? Au moins la journée. Juste un peu. Il ne voulait pas y penser. Il voulait tout oublier. Mais il n'avait pas le droit. Il devait se souvenir, pour être puni.
Il lâcha le téléphone qui tomba sur la table avec un bruit sourd. Il ramena sa main à son visage, l'air horrifié. Sa cicatrice le démangeait. Elle lui faisait mal de temps en temps, comme pour lui rappeler sa faute. Pourtant, le simple fait de la voir le lui rappelait, alors pourquoi elle lui faisait mal? C'était peut-être psychologique. Peut-être que lorsqu'il se sentait triste, son envie de disparaître et sa culpabilité ravivaient sa douleur. Mais il ne devait surtout pas se montrer faible devant la jeune fille. Elle ne devait pas savoir, elle qui s'était fait rejeter tout comme lui. En fait, ils étaient un peu pareil tous les deux. Ils se ressemblaient. Non! Lui était maudit.

Il retrouva son air impassible, et s'approcha de l'adolescente. Il prit un air sévère.

"Qui t'as permis de sortir de ton lit? Tu n'es pas en état. Et je ne veux pas appeler une ambulance."

Il saisit à nouveau le téléphone et le remit en place. Il ne pouvait décidément pas appeler ses parents. Il savait ce qu'elle ressentait.

"Je ne les appelerai pas. Donc retourne dans le lit."

Il se demandait bien ce qu'elle avait sur le coeur. Elle semblait si triste. C'était peut-être la raison de sa fatigue: sa famille. Il n'était pas capable de la laisser. Il fallait qu'elle se confie à quelqu'un. Et tant pis s'il devait laisser tomber sa couverture d'infirmier froid et distant. Juste le temps qu'elle lâche tout ce qu'elle avait sur le coeur.
Il alla fermer la porte du bureau et s'assit à sa chaise.

"Assieds-toi, jeune fille. Et dis moi ce qui ne vas pas. Si tu ne souhaite pas m'en parler, je comprendrais, mais c'est un conseil, tu ferais mieux de te confier. Tu te sentiras un peu mieux."

Il croisa ses bras et fixait l'adolescente, attendant qu'elle s'asseye.

Yû tremblait de tout son corps, ses bras le montrait vu qu'elle s'appuyait sur le rebord du bureau pour mieux se tenir droite devant l'infirmier. Il devait être desesperé de voir sa patiente disputer ses ordres, ou même ses conseils, mais la Shirasaki n'y pouvait rien du tout, elle se laissait aller par l'angoisse, la frénésie, l'anxieté, la tristesse. Les pleurs ne voulaient pas s'en finir, mais l'adolescente voulait absolument arrêter de pleurer, elle ressentait ce vide extrême dans son esprit devenir de plus en plus grand rien qu'en pensant à sa famille tellement distante et indifférente. Elle avait tellement peur, et Nagoyaka en rajouta une couche, se levant et s'approchant de la jeune fille, avec cet air sévère, ce regard ... Il lui rappelait celui de son père, le chef de cette lignée. A travers ce corps, elle pouvait voir une sorte de fantôme, un esprit qui leva son bras dans le but de gifler l'enfant, effrayée. Yû, accablée par ses sentiments lâcha prise le bureau et se tomba en arrière sur ses fesses, les mains sur sa tête, comme si elle voulait se protéger des coups que le docteur allait lui infliger alors que ce n'était pas du tout le cas. Juste que ces yeux ... Elle ne pouvait soutenir ce regard sévère, trop en panique, elle commençait à se faire des films.

Nagoyaka était décidément en colère ? Pourtant sa voix, le timbre de celle-ci prouvait le contraire, on pouvait discerner une pointe d'inquiétude, caché par ce sentiment négatif, voulait-il le faire croire à la Shirasaki qu'il était réellement énervé ? Elle en avait peur, voire effrayé, et ses larmes perlèrent toujours son doux visage. Mais elle baissa alors ses bras, surprise de la décision du mèdecin, il n'allait pas appeler la famille, ni l'ambulance et petit à petit, au fil des minutes, il changea.

Yû essuya alors ses pleurs avec ses mains, puis resta assise sur le sol à observer l'infirmier, il semblait être mal en point, comme elle ? Mais pas pour les mêmes raisons alors, lui, c'était peut-être plus grave ? Elle se sentit alors honteuse et regarda le sol, elle pleurait pour rien mais lui, que ressentait-il ? Son visage, son physique, avait-il eu un passé tortueux ? De plus, il possédait des bandages à son cou, blessure en tout genre ? Ses yeux rouges comme le sang reflétaient cette pointe de triste, de desespoir ? Avait-il en mémoire une boîte dont il ne voulait que personne n'ouvre ? Sûrement, il dégageait tellement une aura froide, voulant rejeter les autres, Yû l'avait perçu, ce sentiment négatif, car elle avait commençait à se forger ce genre de monde illusoire, voyant qu'elle était seule et qu'elle le restera sûrement.

Nagoyaka demanda alors à la patiente de se confier à lui, de lui dire ce qu'il n'allait pas. Vraiment ? Il était gentil, la Shirasaki voulait vider ce qu'elle avait sur le coeur mais en même temps, ne voulait pas le déranger avec cette histoire. Petit à petit, elle se calma et se remit debout tout en prenant une chaise non loin d'eux, elle se calma au fil des minutes qui suivirent, la tête baissée vers le sol, les mains sur ses genoux, les doigts se tortillant signe de nervosité. Son regard était maintenant pleine d'émotion, mais elle semblait être ailleurs et montrait tout de même une pointe de tristesse qu'elle n'arrêtait pas de ressentir. Puis croisant le regard de l'infirmier, elle décolla ses lèvres.

- Merci.

Déclara t-elle seulement. Après quelques minutes de silence, elle commença.

- Peut-être que je me sentirai mieux. Je l'espère. Bien que je ne me confie presque jamais. Monsieur, vous devez me trouver idiote à pleurer comme ça.

Elle hésita un peu puis respira un bon coup, fixant Nagoyaka.

- Vous savez, c'est la période des examens, depuis quelques jours, je n'arrête pas de réviser mes cours, mais je travaille tellement que je n'en dors plus. Cependant, je suis toujours en stress. Vous savez, j'ai tellement peur de rater mes tests, mais je me suis rendue compte que je veux réussir pour ma famille, mais au final, je sais que cela ne me rapportera rien, car ... Mes parents, mes frères, ils ne m'accepteront plus ... Plus du tout, jamais.

Elle s'abstint alors de pleurer encore une fois mais ferma les yeux.

- C'est .. C'est tellement oppressant comme sentiment, je n'arrête pas de penser à eux. Ils m'ont rejeté mais moi ... Je ne peux pas ... Je ne peux pas les haïr.

Yû se demandait comment elle avait fait pour déballer son sac à un simple inconnu, elle était surprise.

Alors c'était ça. La jeune fille stressait pour ses examens. De plus, elle ressentait encore plus de pression à cause de sa famille. Pourquoi donc? Elle l'avait rejetée non? Oui mais ça devait sûrement pour se faire accepter à nouveau...ou pour prouver quelque chose...? l n'en savait rien, mais cela le mettait quelque peu mal à l'aise. Lui qui ne s'était jamais confié à personne, et qui n'arrivait pas à se consoler lui-même,comment allait-il faire pour l'aider elle? Qui plus est, ses yeux bleus le bloquaient. Il ne pouvait pas battre ces yeux. Mais bon, il le fallait. De plus, au fond de lui, il se sentait un peu mieux. La jeune fille lui faisait confiance et se vidait à coeur ouvert devant lui. De plus, ce fût la première fois qu'on le remerciait. Ca le touchait énormément. Même s'il se disait qu'elle devait faire cela parce qu'elle était à bout aussi bien physiquement que psychologiquement. Vu la réaction qu'elle avait eu tout à l'heure. Pourtant il n'avait pas eu l'intention de la frapper...peut-être à cause de ses parents. Il eut tout d'un coup le sentiment inverse, comme si on l'avait poignardé. Ressemblait-il tellement à la personne qui lui avait fait du mal auparavant? Il n'en était pas sûr, mais ce fût son impression. Peut-être était-ce mieux ainsi. Il valait mieux qu'elle le deteste plutôt que le contraire. Malgré tout il voulait l'aider.
La douleur de sa cicatrice revint de plus belle, comme pour lui rappeler qu'il ne devait pas s'attacher aux autres, et surtout qu'il ne devait pas "transmettre sa malédiction". Mais il l'ignora, voulant réconforter l'adolescente. Il prit donc la parole, sa voix étant toujours aussi froide:

"Je ne sais pas pourquoi ta famille ne veut plus de toi, mais je pense que rejeter ses enfants est tout bonnement inhumain. Quelle qu'en soit la raison. Malgré tout, je peux comprendre que tu ne peux te décider à les haïr. Mais qui te parles de les haïr? Tire donc un trait sur eux, même si c'est difficile. Parce que si c'est pour rester triste et leur courir après toute ta vie, c'est pas gagné! Tu devrais laisser couler, et te trouver des amis. Tu verras qu'un jour, ta famille aura besoin de toi, ils se mordront les doigts de t'avoir fait du mal, et reviendront vers toi de leur plein gré. Et à ce moment là, il faudra que tu reste indifférente....."

Ces mots étaient sorti de sa bouche sans qu'il ait pris le temps d'y réfléchir. Il avait sûrement dit cela parce que c'était ce qu'il ressentait vraiment envers ses parents. Il ne les detestait pas, mais ne les aimait pas non plus. C'était un sentiment assez étrange. Très difficile à expliquer, même pour lui... De toute façon la personne qu'il haïssait le plus n'était autre que lui, et il comprenait que ses parents l'aient rejeté. Mais il ne saisissait pas pourquoi la jeune fille qui se tenait devant elle, l'air si desespérée, s'était elle fait "bannir" elle aussi? Ca le mettait hors de lui. C'est pourquoi, durant quelques secondes, il l'avait regardé avec un regard de compassion. Il ressentait beaucoup de sympathie à son égard. Mais bientôt la douleur recommença et se stoppa. Il ne devait pas s'attacher.
Il se leva de sa chaise et chercha un verre d'eau, qu'il donna à la jeune fille.

"Tu devrais boire un peu, ça te fera du bien. Et par la même occasion, ne voudrais-tu pas me donner ton nom? Il faut que je te rentre dans mes dossiers. Comme ça si à cet instant tu es censé avoir cours, tu auras une excuse."

Et après avoir dit cela il s'était assis, croisant à nouveau les bras. Il passait maintenant sa main sur son cou, d'un geste machinal et instinctif.

Yû avait ouvert cette boîte qui ne contenait cependant rien, à part sûrement ses pensées négatives, et pessimistes, elle avait fait face à cette histoire tout en la racontant à l'infirmier. D'ailleurs, elle fixa toujours ses yeux rouges, ils reflétaient cette inquiétude, qu'elle pouvait en plus ressentir, elle n'arrivait pas à soutenir ce regard, non, il ne la faisait en aucun cas peur, elle discernait juste cette impression froide, et noire. Elle ne pouvait cependant pas le croire, elle était surprise, la Shirasaki venait de toute déballer sous ses pleurs, son passé dont elle essayait de réparer les grosses erreurs qu'elle avait commise. Elle ne pouvait s'empêcher de revoir cette image tortueuse dans son esprit, son père la giflant car elle ne comprenait pas pourquoi celui-ci ne semblait ne plus l'aimait. Cette impression, elle était tellement vraie, par ses yeux sévères, son regard coléreux, Yû ne pouvait se détacher de ce sentiment, la peur, oui, cette peur l'envahissait de plus belle mais elle tenait bon, car elle commençait à faire disparaître cette pensée de sa tête grâce aux mots réconfortant mais compréhensifs du jeune mèdecin qui se trouvait juste en face d'elle.

L'encourageait-il à abandonner cette idée de suivre sa famille ? Prouver que même si elle n'était pas une surdouée, elle pouvait devenir ce qu'elle voudrait ? Pourtant, Yû ne pouvait se décider de se détacher de cette base, elle aimait ses parents, ses frères, mais eux, qu'en pensaient-ils d'elle, réellement ? Elle n'habitait plus dans cette grande maison où l'air régnante était tellement étouffante qu'on pouvait mourir de desespoir, dans le sens figuré du terme, bien sûr. L'adolescente, elle, souffrait de cette ambiance sombre, maussade, pas du tout joyeuse. Laissé derrière, dans le rang des ratés comme l'avait dit son père, la petite fille s'était laissé entraîné par n'importe quoi, se forgeant alors un monde illusoire dont seule, elle, pouvait en sortir. Ce cocon, elle commençait à le briser à travers ses pleurs et à sa confession envers l'infirmier. Il avait peut-être l'air distant et froid aux premiers abords mais au fond, même si elle ne le connaissait pas, Nagoyaka était quelqu'un qui savait écouter et conseiller.

Un petit sourire rempli de confiance se dessina sur ses lèvres, elle regarda ses mains, et ses pleurs avaient cessé. Elle répondit alors avec un ton doux, habituel, sa voix hésitante et tremblante avait disparu.

- C'est .. C'est peut-être vrai. Vous avez raison. Je .. Je vais essayer. Je m'accrocherai quand même mais moins qu'avant, enfin ... Il faudrait peut-être que je laisse tomber cette idée de toujours les rattraper alors que je n'y arriverai jamais. Me donner à fond pour au final, avoir un résultat négatif me fera sûrement perdre la tête.

Comme en ce moment, Nagoyaka en avait vu la preuve.

- C'est ma famille, elle est detestable, elle me hait, mais moi, je ne sais plus ce que je dois faire. C'est tellement désagréable de ressentir ça. Mais comme vous venez de le préciser, je tierai un trait dessus, un fin trait ... Mes parents, mes frères, ces images .. Disparaîtront de mon esprit.

Et elle se portera mieux comme ça. En tout cas, c'était en partie grâce au jeune docteur que l'adolescente semblait allait mieux. Du moins, elle afficha un léger sourire, son visage petit à petit, reprit de la couleur car l'anxieté commençait à disparaître. Elle prit doucement le verre d'eau et écoutant Nagoyaka, elle but une petite gorgé sentant le liquide froid passer dans sa gorge, cela lui fit un grand bien qu'elle respira un bon coup.

Portant son regard au mèdecin, elle était toujours intriguée par ces bandages qu'il avait à son cou, d'ailleurs, depuis tout à l'heure, il n'arrêtait pas de les effleurer avec ses doigts, son regard dévoilant son inquiétude, ce visage froid était revenu. Ses yeux bleus océan fixèrent le visage du docteur, elle aimerait comprendre, savoir d'où venait l'aura qu'il dégageait, pourquoi était-il si froide, si distante, comme s'il rejetait tout contact bien qu'il ne le voulait pas.

- Yû, Yû Shirasaki.

Disait-elle tout en observant l'eau contenu dans le verre en plastique. Ses lèvres se décollèrent pour demander alors.

- Monsieur, comment .. Comment vous appelez-vous ?

Peut-être était-ce une erreur de lui demander cela ? Allons bon, son prénom, juste son prénom.

C'est bien. La jeune fille avait repris un peu confiance en elle. Et Nagoyaka se sentit tellement heureux à ce moment là, qu'il trouva, le moment d'un instant, que sa vie avait peut-être un sens. Mais il déchanta quand la douleur le reprit. Il ne devait pas être heureux. Il n'en avait pas le droit.
Il continua à l'ecouter attentivement, et quelque chose dans les paroles de la jeune fille le fit réagir. Mais il attendait qu'elle finisse de parler, car c'était déjà dur pour elle, alors s'il lui coupait la parole...

"Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Ce n'est pas que tu n'es pas capable de les "rattraper" comme tu le dis, mais tu n'as pas besoin de leur prouver quoi que ce soit, car je pense que tu es une fille exceptionnelle et gentille. Et puis, si tu n'es pas bonne dans ce domaine, ne te force pas, et choisis quelque chose dans lequel tu te sentiras mieux. Quelque chose dans lequel tu prends du plaisir, et où tu ne te tues pas à la tâche. Chacun ses defaults et ses qualités après tout, non?"

Elle avait aussi fini par boire une gorgée de l'eau qu'il lui avait apporté et s'était présentée. "Yû Shirasaki". Il trouvait ce nom très beau. Mais il ne partagerait pas son sentiment avec elle.

Il voulut prendre la parole, croyant qu'elle avait fini, mais s'arrêta net quand elle lui demanda son nom. Pourquoi donc voulait-elle savoir son nom? Elle n'avait pas besoin de le savoir. Voulait-elle se rapprocher de lui? Etait-il allé trop loin? Elle s'interessait à lui. Même si ce n'était pas grand chose. Bon, allez, juste son nom, ce n'était pas la mort, cela ne changerait rien. Elle ne l'aimerait pas plus. Tout s'embrouillait dans sa tête. Devait-il lui répondre? Après tout, ça ne les rapprocherait pas plus. Allez, c'était juste de la curiosité de la part de la petite. Après tout, il était infirmier, donc les élèves connaîtraient son nom tôt ou tard. Enfin, peut-être pas après tout. Il était très discret, et quelques uns de ses collègues, même s'il était là depuis deux jours, étaient incapables de dire comment il s'appelait. Mais bon, peu importe.
Sa bouche s'ouvrit enfin pour lui répondre:

"Je m'appelle Nagoyaka Torii..."

Eh bien voilà, il l'avait dit, et il n'en était pas mort. Il soupira donc, se disant qu'il avait été bête de penser comme ça. Quel idiot.
Il fixait maintenant les yeux bleus de la petite Shirasaki.

"Tes yeux......"

Il s'arrêta net. Il avait failli la complimenter. Pourtant cela ne lui était jamais arrivé. C'était sûrement parce que ses yeux ressemblaient à ceux de sa soeur qu'il se laissait aller comme ça. D'habitude il n'aurait jamais aidé une personne de cette façon.
Il espérait aussi qu'elle n'y avait pas fait attention, et donc il reprit la parole, comme si de rien n'était:

"Je vais rentrer ton nom dans mon ordinateur."

Il s'exécuta et leva à nouveau ses yeux vers les siens. Il ne pouvait s'empêcher de les regarder...

Malgrès le fait que Yû ait beaucoup pleuré, le visage de celle-ci reprenait bel et bien des couleurs, grâce aux conseils, aux mots de Nagoyaka, c'était étrange, aux premiers abords et à la première minute lorsqu'elle avait pénétré dans l'infirmerie, elle avait croisé ce regard froid, ces yeux rouges sang, quel sentiment ces derniers reflétaient-ils déjà ? L'adolescente baissa sa tête, regardant l'eau dans le verre en plastique, elle tapota un peu l'objet de ses doigts fins et écouta attentivement les propos de l'infirmier, il était peut-être distant la première fois qu'on le voyait mais si on lui parlait, il était quelqu'un d'autre mais il y'avait toujours ce mur, ce mur glacial qu'il essayait de construire, rejetant les autres. Il y'avait quelques instants, on pouvait percevoir des signes de compassion, d'inquiétude de la part du jeune docteur puis aussitôt, lorsqu'on le remarque, Nagoyaka pouvait vite changer et remettre ce masque pour se cacher et fuir pour ne plus jamais redevenir celui qu'il voulait être.

La Shirasaki était intriguée, elle voulait mais surtout aimerait savoir pourquoi tout ce manège était né, avait-il eu un passé tortueux ? Il dégageait quand même une aura assez mystérieuse, c'était le genre de personne qui n'aimait pas parler de lui, en fait, psychologiquement, était-il faible ? Et physiquement alors ? Grand par sa taille, on pouvait tout de même remarqué ces fameux bandages qu'il avait autour de son cou. Elle ne pouvait s'empêcher de porter son regard vers cette partie, mais ce dernier se reporta aux yeux de l'infirmier.

Soudainement, et malgrès le fait qu'elle était toujours un peu faible à cause de ses larmes versées, elle eut un sourire qui se dessina, pas le même que l'autre, celui-ci exprimait le remerciement, envers qui ? Envers Nagoyaka bien sûr, il avait écouté la jeune Yû et conseiller. Hôchant de la tête, avec sa voix douce et habituelle, elle décolla ses lèvres.

- Vous avez raison. Merci, merci beaucoup.

Elle se tut alors un moment pour attendre que le mèdecin puisse se présenter, elle voulait connaître son prénom, une personne attentionnée et gentille, la jeune fille ne pouvait admettre ne pas connaître au moins son identité.

- Merci, Monsieur Nagoyaka.

Pour la première fois de la journée, son sourire était vraie, exprimant alors le fait qu'elle était sereine, détendue, elle s'apprêtait à porter son verre en plastique vers ses lèvres pour pouvoir boire toute l'eau fraîche, mais elle fut tirée de son action lorsqu'elle entendit le jeune homme dire quelque chose à propos de ses yeux. Yû posa alors l'objet sur le bureau de l'infirmerie, regardant Nagoyaka, surprise mais ayant surtout une mine interrogatrice, la tête penchée sur le côté.

- Hum? Mes yeux? Ils .. Ils sont bizarres? Pardon, c'est sûrement le fait que je n'ai pas assez dormi.

Elle se gratta la joue avec son index, accompagné d'une mine nerveuse, tirant légèrement la langue. Elle avait retrouvé le sourire mais aussi sa personnalité un peu naïve aux premiers abords. Yû fixa alors le docteur en train de rentrer son prénom et nom dans l'ordinateur de l'infirmerie. Un silence pesant régnait alors dans la pièce, la Shirasaki n'osait pas dire grand chose, non par peur, mais ... En fait, elle ne le savait pas.

Elle avait encore prononcé ce mot qui réchauffait le coeur de l'infirmier: "merci". C'était tellement agréable. Même si pour certains cela paraissait complètement normal, lui avait un sentiment de reconnaissance. Pour la première fois de sa vie, il s'était sentit un peu utile. Surtout en voyant que le visage de la petite Yû avait repris des couleurs, et que son caractère premier, donc un peu innocent, venait de reprendre le dessus sur ce pessimisme profond. Après tout c'était compréhensible. Elle fût aussi rejetée par sa famille et se retrouva seule, abandonnée de ceux qu'elle aimait. Tout comme lui...Mais avait-elle déjà tué une personne qui lui était chère? Attends. Pourquoi se posait-il cette question? Il n'était pas le seul à souffrir, et il le savait. Juste une pensée egoïste qui lui avait traversé l'esprit. Non. Sûrement pour se dire que lui n'était pas normal, contrairement à la jeune Shirasaki. Elle, ne méritait pas qu'on la rejete. Alors que lui était maudit. Il ne devait pas atteindre le bonheur. D'ailleurs, était-ce ce qu'il ressentait quand Yû souriait? Elle allait mieux maintenant, alors c'est pour cela qu'il se sentait détendu? Pourtant, il s'était juré de ne pas nouer des liens, aussi petits soient-ils, avec des personnes. Il devait vivre seul, pour que sa soeur puisse être vengée.
Il mit une main à son cou et gémit. Sa cicatrice le faisait souffir, sûrement parce qu'il s'embrouillait et s'obstinait à vouloir être heureux. Elle réagissait encore avec ses sentiments. Ne pouvait-elle pas le laisser tranquille? Il savait qu'il n'en avait pas le droit, alors elle n'avait pas besoin de se manifester.

"Hum? Mes yeux? Ils .. Ils sont bizarres? Pardon, c'est sûrement le fait que je n'ai pas assez dormi."

La voix de la jeune fille le sortit de sa transe. Finalement elle l'avait entendu parler de ses yeux. Il soupira donc, et dit, pour briser le silence qui régnait:

"Oui, en effet....ils sont un peu cernés...tu devrais te reposer."

Il avait réussi à rendre ce mensonge crédible et déjà réel, en prenant une voix un peu indifférente et toujours aussi distante.
Il rangeait maintenant son bureau, qui était un peu en desordre. Puis, toujours sur le même ton, et sans lever les yeux vers la jeune fille, il demanda:

"As-tu besoin d'un justificatif pour avoir raté un cours? Si tu en as raté un, bien sûr. Comme ça je te le fais maintenant."

Il ouvrit un tiroir pour ranger quelques dossiers qu'il avait pris et les fourra à l'intérieur. Puis il se stoppa et ses yeux rouges cherchèrent à nouveau ceux de Yû. Il ne pouvait s'empêcher de les regarder. Ce bleu....pourquoi? C'était ses yeux à elle! Pourquoi étaient-ils ici, à le fixer? Est-ce que sa soeur l'observait? Etait-elle en train de le tester? Peut-être faisait-elle en sorte qu'il se laisse "seduire" par le bonheur, et donc par Yû?........Mais...d'ailleurs...Etait-il en train de se laisser séduire? Impossible. Il n'était pas amoureux, mais il appréciait la petite. Peut-être juste à cause de ses yeux...? Non, c'était pour ce qu'elle était, et non pas pour ce qu'elle possédait. Pourtant, ces yeux...... c'est comme s'il l'attiraient. Mais il devait y résister.
Il entendait maintenant son coeur battre dans ses oreilles. Si fort....Si vite.... Il avait froid...Ses mains tremblaient.... Il sentait encore le liquide chaud sur sa peau... Il voyait cette couleur rouge qu'il detestait tant... Il paraissait horrifié. L'accident lui revenait en tête comme si on lui enfonçait dans le crâne avec une force si grande qu'il avait l'impression qu'on le frappait à grands coups. Enfin, "accident"...plutôt "meurtre"....
Il se tenait toujours au bureau et y enfonçait ses ongles, comme par douleur. Il ramena son autre main à son visage. Sa respiration était plus forte. La petite Yû était là. Pourquoi fallait-il que cela lui arrive maintenant? Mais c'était justement parce qu'elle était là qu'il se rappelait de ce jour, non? Comment pouvait-il penser cela? Elle n'avait rien à voir là-dedans! C'était lui qui était cinglé. Tout était de sa faute à lui. De toutes manières, il y pensait tout le temps, à chaque moment de la journée, toute la nuit, à chaque seconde...
Cette fois, toutes ses cicatrices se mirent à le faire souffrir. Comme s'il venait de se les faire...

Il se baissa lentement, essayant de se cacher à la petite Shirasaki. Et il lui dit, avec une voix affolée et forte:

"Sors d'ici! Va te reposer!"

Yû fut surprise de la réponse directe de la part de l'infirmier, elle porta alors ses deux mains sur son petit visage, tapotant un peu pour se donner de l'énergie bien qu'elle n'était pas extrêmement fatiguée, elle avait besoin de repos et peut-être un peu de sommeil. Elle eut quand même un sourire, anxieté et angoisse parties désormais, elle ferma quelques minutes ses yeux pour les laisser se reposer ne serait-ce qu'un instant, ils étaient cernés, disait le jeune docteur.
Normal après tout, elle n'avait eu que quelques heures de sommeil et parfois même passait des nuits blanches à étudier durement pour pouvoir réussir, rattraper ses frères et ses parents, ce rêve non-réalisable dorénavant mais elle s'accrochait tout de même légèrement à eux, elle les aimait mais les haïssait, du moins, il y'avait une pointe de ce sentiment négatif qu'elle ressentait dans son coeur. Ce membre qui ressentait toutes sortes de sentiments, qui pouvait avoir mal. Ces derniers, elle les avait tellement connus que ce soit positif ou non, elle s'en souviendrait pour toujours et au plus profond d'elle-même, même si elle ne voulait l'admettre et l'accepter, elle avait cette petite rancoeur envers sa propre famille. Tout le monde lui tournait le dos, du moins juste toute la lignée des Shirasaki mais cela faisait quand même beaucoup, rien qu'à voir la scène où sont père l'avait giflé juste parce qu'elle ne comprenait pas le sens de l'honneur de cette famille. Honneur ? Mais que faisait ce mot là dans ce genre de propos ?! Les parents de Yû avait tout bonnement rejeté leur propre enfant car elle n'était pas comme ses frères, horrible comme personnes hein ? Cependant, cette enfant, oui, celle-là, celle qui pleurait dans l'infirmerie et qui avait été écouté par Nagoyaka dont elle commençait à beaucoup apprécier, elle ressentait cette envie de dire aux membres de sa lignée qu'elle était tellement désolée.

Rien qu'en revoyant toutes ces images pertubantes dans son esprit, l'adolescente bougea négativement sa tête pour les chasser mais elles revenaient tout le temps. Comment pouvait-elle s'en débarrasser ? Même son cousin, Hiroki ne pouvait l'aider, il n'avait jamais vécu cette période, cette souffrance tout au long de sa jeunesse, enfermée dans cette grande maison contrainte à étudier, bien que toute la famille lui tourne le dos. Ce passé, il ne la rattrapait en aucun cas, c'est elle qui voulait le faire, mais pourquoi ? Elle ne le savait pas mais avait besoin de le faire. Yû ne savait pas vraiment ce qu'elle voulait après tout, elle se sentit un peu déstabilisée à cette idée mais pourquoi retomber dans cette sombre boîte ? Elle était presque ouverte ! Grâce à qui ? En partie grâce à ce jeune infirmier, il l'avait écouter, conseiller, bien qu'il dégageait cette aura froide, bleue et distante, il ne s'était pas empêcher d'aller aider sa patiente. Elle pouvait le remercier des tonnes de fois, c'était lui qui l'avait aider à ouvrir, du moins commencer à ouvrir cette boîte contenant toutes ces pensées pessimistes. Elle se sentie un peu libérée.

La Shirasaki leva son regard vers Nagoyaka, celui-ci lui demanda si elle avait cours précédemment, avant de rentrer dans l'infirmerie. La jeune fille était encore perdue dans ses songes mais fut vite tirée de là, tout en bougeant négativement la tête, avec un léger sourire.

- Non, ne vous en fait pas, Monsieur Torii, je n'avais pas cours, donc il y'a aucun problèmes.

Elle avait son petit sourire à la bouche, et honnêtement, elle appréciait Nagoyaka, elle le trouvait gentil, peut-être étrange aux premiers abords mais quand on lui parlait, il était quelqu'un d'autre malgrès sa voix sévère ainsi que son regard. D'ailleurs, elle avait vu ce dernier changeait quelques instants, il était passé à une personne inquiète à une personne distante et solitaire. La jeune fille n'arrêtait pas de croiser son regard, ses yeux rouges comme le sang, mais elle ne pouvait s'empêcher de mener ses observations à son cou, ces bandages que cela signifiait-il ? L'infirmier n'arrêtait pas de les effleurer avec ses doigts en plus.

Quand soudain .. Le jeune homme commença à paniquer, s'accrochant au bureau pour se tenir debout mais il avait l'air d'avoir mal, affolé, ayant peur de quelque chose ? Il cria à la Shirasaki de sortir, d'aller se reposer, mais comment pouvait-elle le faire alors qu'elle avait devant ses yeux le docteur qui ressentait ce sentiment de malaise à son tour ?! Elle ne pouvait pas partir, c'était incensé, et inquiète, elle se leva d'un bond et resta immobile. Quand une personne souffrait de quelque chose, il ne fallait surtout pas s'en approcher, soit cette dernière vous blessera sans le vouloir ou soit cela la mettra encore plus en péril. Yû l'avait compris, vu que dans le passé, ses crises ainsi que le fait qu'elle était muette la faisait devenir quelqu'un d'autre : Une jeune fille renfermée sur elle-même, pleurant de toute son âme, se cachant dans le noir et mettant tout le bazar dans sa chambre.

- Mon ... Monsieur Torii ?!

Demanda t-elle avec une voix hésitante, tremblante. Elle était vraiment inquiète à son tour, mais pas pour elle, pour lui. Que lui arrivait-il ? Elle voulait l'aider, comme lui, l'avait fait, et en aucun cas, elle le laisserait tomber !

- Je n'irai pas me reposer. Pas tant que vous êtes dans cet état !

La jeune fille s'était levée d'un bond en criant son nom d'une voix affolée. Elle ne s'était pas approchée de l'infirmier, qui était toujours dans sa crise de folie. D'ailleurs celle-ci ne fit qu'empirer quand Yû lui déclara qu'elle resterait avec lui, coûte que coûte. Pourquoi resterait-elle avec quelqu'un comme lui? Il était un assassin. Elle voulait l'aider juste parce qu'il l'avait écoutée et conseillée? Elle ne le connaissait même pas, et lui ne souhaitait pas qu'elle veuille mieux le connaître. Il voulait juste rester seul. Seul, comme il l'avait toujours été. D'habitude, s'étant toujours montré froid et distant, les autres ne lui portaient pas d'attention. Mais quand cela arrivait, il les envoyais balader, par n'importe quelle manière. Et ça avait toujours marché. Il suffisait juste qu'il la fasse sortir de son bureau en usant de son autorité ou même par la force, et elle le laisserait, non? Alors pourquoi ne pouvait-il pas s'approcher d'elle? Pourquoi ne pouvait-il se résoudre à la faire partir? A cause de ses yeux? Oui. Il ne pouvait pas battre ces yeux là. Parce que s'il s'approchait, il risquait de lui faire du mal. Et jamais il ne pourrait lui faire du mal. Ce serait une énorme faute qu'il ne se pardonnerait pas.
Une partie de lui devait la rejeter, mais une autre se battait desespérément pour qu'elle reste avec lui. Sa soeur était là.

"Non! Ce n'est pas elle...!"

En effet, ce n'était pas Hana qui se tenait devant lui, mais Yû. La jeune fille qu'il avait fait rentré dans son bureau, et qui maintenant le regardait, un air interrogatif et incompréhensif sur le visage. Ce n'était pas avec sa soeur qu'il voulait rester, mais avec Yû. Parce qu'elle semblait inquiète pour lui. Mais il devait la faire sortir, avant qu'elle ne s'intéresse trop à lui. Sa main, qui tenait la table précédemment, balaya d'un grand coup tout ce qui s'y trouvait. Les documents et autres objets dont le téléphone qui se cassa au contact du sol, tombèrent par terre. Nagoyaka, toujours le visage à moitié caché par son autre main, avait levé la tête. On ne pouvait voir qu'un seul de ses yeux rouges comme le sang, qui fixait l'adolescente. Sa voix se fit plus forte et plus sévère:

"C'est un ordre Shirasaki! Dégage!"

Il devait utiliser ces mots là, malgré le fait qu'il ne les pensait pas vraiment. Ou seulement à moitié?
Tandis que ses souvenirs se faisaient de plus en plus douloureux, sa main libre vint attraper son cou. Elle était morte par sa faute. Il fallait qu'il se punisse. Mais ne l'avait-il pas déjà commencée, sa punition? Pourtant il ne pouvait empêcher ses doigts de s'enfoncer dans son cou. Ses ongles avaient déchiré les bandages et commençaient à s'en prendre à sa chair. Le sang coulait le long de sa main. Le visage de l'infirmier se transforma en un visage de terreur. Il lâcha un gémissement et se mit à hurler, tout en lâchant son cou, découvrant ainsi sa cicatrice. Sa main souillée de son sang vint se poser sur la table, et son regard se posa à nouveau sur la jeune fille. Son coeur résonnait toujours aussi fort dans ses oreilles. Et il finit par dire, la voix tremblante et démente:

"Je ne veux ni ne peux me battre contre ces yeux....Parce que ce sont les siens, tu sais?"

Ses yeux rouges se posèrent alors sur sa main ensanglantée. Il tremblait toujours. Il se demandait ce qu'il se serait passé s'il n'était pas né. D'ailleurs pourquoi était-il là maintenant? A cause de lui, plein de personnes avaient souffert.

"Alors pourquoi suis-je ici à me battre desespérément?"

Il pensa alors qu'il n'était pas le seul à souffrir. Yû aussi s'était fait rejeter. Mais elle, au moins, se battait pour quelque chose. Elle avait un but. Lui ne faisait que se punir et se morfondre. Peut-être qu'elle aussi s'était-elle déjà fait du mal? Peut-être pas de la même manière que lui, mais oui, elle se faisait souffrir. La preuve, elle s'en rendait malade. En fait, ce n'était peut-être pas bien d'avoir un but. Non, ce n'était pas ça. Elle et lui étaient un peu pareil....
Il tapa son poing contre la table, y mettant encore plus de désordre.

"Elle n'est pas comme moi! Elle, elle n'est pas une personne ayant une malédiction, elle n'a juste pas eu de chance....... Elle souffre aussi, alors arrête-toi!"

Il continuait maintenant de taper son poing contre la table, se faisant saigner.
Il n'aurait jamais voulu naître......

Yû ne comprenait plus du tout ce qui se passait devant ses yeux, Nagoyaka avait soudainement perdu la tête, il avait commencé à avoir mal, il subissait juste à l'instant une sorte de malaise, faisait-il une crise ? La Shirasaki ne le savait pas mais voyant cette scène juste devant elle, le jeune infirmier dévoila alors ses cicatrices qu'il avait au cou, plongeant ses ongles dans la chair dans cette partie sensible désormais, il s'appuyait sur le bureau, la main embuée de sang désormais. L'adolescente, elle, restait immobile à regarder le docteur se torturer lui-même, elle ne voulut pas s'en approcher, du moins pas encore, elle ne pouvait pas, elle sentit cette barrière, ce mur fragile mais dégageant une froideur assez grande la repousser. Cependant, elle tremblait mais essayait de ne pas montrer qu'elle avait peur, non, pas de ce qui se passait devant ses yeux mais pour Nagoyaka. Pourquoi ? Que lui arrivait-il ? Quelques instants, précedemment, il était à l'aise, avec son air sévère qui cachait sa véritable personnalité qu'il dévoila juste là, devant la lycéenne qui mit ses deux mains sur sa bouche, le visage alors terrifié, et angoissé.

Nagoyaka était énervé, mais en même temps torturée, il cria même à sa patiente de partir, utilisant des mots assez brusque mais cela ne toucha même pas le coeur de la jeune fille qui bougea négativement sa tête, trop tard, il venait de faire ressortir son vrai lui, l'homme qui se trouvait en face d'elle, le cou saignant avec la main peinturé de son propre sang. C'était horrible à voir mais Yû resta de marbre, cependant, elle fit quelques pas en avant, il ne voulait pas qu'elle s'approche mais elle, elle n'était pas de cet avis, elle voulait l'aider, principalement, elle voulait comprendre pourquoi ce comportement, pourquoi ce rejet d'autrui, pourquoi cette fuite, pourquoi cette distance envers les autres ?

La Shirasaki ressentait cette douleur, Nagoyaka possédait maintenant cette aura chaude, la souffrance, la tristesse, cette angoisse qu'il dégageait maintenant, étouffait peut-être l'air de la pièce mais Yû pouvait la voir, tout était noir. Elle regarda alors partout ainsi que ses mains qui tremblaient beaucoup, puis son regard se porta vers le mèdecin qui déclarait qu'elle possédait les yeux de quelqu'un, les '' siens '' ? Elle eut un regard surpris, de qui parlait-il ? Qu'avaient les yeux bleus océan de la jeune Yû ? Posaient-ils problème ?

L'infirmier semblait se battre contre quelque chose, ou plutôt contre quelqu'un ? Quelqu'un qui l'empêchait d'avancer peut-être ? Son passé était-il réellement tortueux pour qu'il se fasse mal à lui-même ? C'était inscencé. Même si nous avons commis une grosse erreur avant, il faut tout de même se dire qu'on peut marcher, vivre, et oublier. Le présent, il n'y a que cette période qu'on pouvait apprécier, l'instant présent. Pourquoi Yû pensait-elle à cela maintenant ? Elle, qui, au contraire, cherchait à rattraper ses propres erreurs, en arrière, pour pouvoir les réparer, là. L'adolescente ne comprenait pas les paroles du docteur, mais ce qu'elle pouvait percevoir était le fait qu'il voulait s'en sortir, se battre pour quelque chose ? Pour quelqu'un ? Ou plutôt, contre ? Mais il se faisait toujours rattraper pour tomber cette abysse dont il ne pouvait pas remonter, et lâchant toutes prises, il s'enfermait dans cette sorte de boîte, seul, voulant l'être pour toujours.

Il en rajoutait une couche, frappant du poing le bureau de la salle, il se faisait encore plus mal, et Yû, en voyant cette scène se déroulait devant ses yeux, se laissa tomber sur ses genoux, rampant vers le jeune homme. Elle avait peur, elle tremblait, mais elle ressentait cette douleur qui embuait toute cette pièce, elle avait mal au coeur, il battait à cent à l'heure. Elle essayait d'avoir un regard déterminé pour tout faire cesser mais tout ce qui ne vint encore ne furent ses larmes, quelques une vinrent perler son doux visage. Elle voulait comprendre, comprendre pourquoi il se faisait autant de mal ! Pourquoi donc, Nagoyaka ?!

D'un geste brusque, elle saisissa le poing de ce dernier, l'arrêtant dans ses gestes. Sa main était froide et elle pouvait sentir qu'il tremblait énormément, d'ailleurs, elle aussi.

- Je .. Je ne comprend pas ce que vous avez. Monsieur Torii, arrêtez, je vous en prie. Vous vous faites du mal. Pourquoi ? Pourquoi ? J'aimerai le savoir ... Le savoir ...

Elle avait ce regard rempli d'angoisse rien qu'en regardant Nagoyaka puis continua sur sa lancée.

- De qui parlez-vous ? Moi ? Quelqu'un d'autre ? Calmez-vous, s'il vous plaît.

Elle sentait le sang de l'infirmier sur ses propres mains mais elle s'en fichait alors guère, mais presque royalement !

- Je peux la ressentir, votre souffrance, vous dégagez une aura tellement froide mais chaude en même temps. Vous êtes perdu aussi ? Comme moi ? Je ... Je ne veux pas, je ne veux pas que vous vous fassiez du mal.

Elle ne savait pas pourquoi il se torturait lui-même, mais elle ne pouvait le lui demander, il était blessé, et voir son cou saigner de la sorte, cela faisait peur la jeune Yû, elle pleura, pas pour elle, pour lui. Elle n'avait pas pitié de lui, au contraire, s'il souffrait c'était pour quelque chose de grave, encore plus grave, elle l'avait sentit dès le début, mais elle n'arrivait pas à mettre la main sur cette réponse.

- Vous voulez que je m'en aille ? C'est .. C'est trop tard. Je resterai. Je resterai avec vous, Monsieur Torii.

Disait-elle en serrant la main ensanglantée de Nagoyaka, elle avait le regard baissé vers le sol, les larmes tombèrent et humidifièrent cette partie.
Et s'il la repoussait, elle ne rebroussera pas chemin, elle continuerait à lui tenir la main, pour qu'il se calme et pour qu'il sorte de ce dédal rempli de souffrances...

La jeune fille était terrifiée. Avait-elle peur de lui? Peut-être qu'enfin elle partirait? Mais d'un côté il ne voulait pas qu'elle soit effrayée. Ca lui rappelait qu'il n'était pas comme les autres. Mais il n'avait jamais souhaité être anormal et maudit. Il aurait voulu faire le bonheur de sa famille, et rester avec sa soeur. Cela devait être le sentiment que Yû devait ressentir. Elle devait souffrir terriblement de s'être fait rejetée. Mourir serait la meilleure solution alors? D'ailleurs, il voulait disparaître. Mais il ne pouvait pas. Il devait vivre avec cette mort sur le dos.
Pourtant....pourtant ça lui faisait du bien que quelqu'un s'interesse à lui. C'était tellement agréable. Juste un peu.....il voulait être heureux....rien qu'un peu....

L'adolescente attrapa le poing de l'infirmier. Elle lui demandait pourquoi il se faisait du mal. Elle le suppliait d'arrêter. Elle ne comprenait pas. Mais elle n'était pas la seule à ne pas comprendre. Même Nagoyaka lui même ne se comprenait pas parfois. Non, il ne voulait pas se comprendre en fait. Il ne devait faire que vivre et ne pas se poser de questions. Il se l'était promis. Il s'était promis qu'il se punirait.
Maintenant Yû voulait en connaître plus sur lui. Voulait-elle l'aider? Elle disait en tout cas qu'elle était capable de ressentir sa souffrance. Génial. Maintenant elle souffrait deux fois plus. Déjà qu'elle n'avait pas eu de chance d'être née dans cette famille, mais en plus elle était tombée sur lui. Elle n'était pas gâtée.

Finalement la jeune fille lui déclara, tout en serrant la main de l'infirmier, qu'elle ne partirait pas. Puis elle se mit à pleurer. Nagoyaka, lui, ne bougeait plus. Il regardait les larmes de la petite Shirasaki tomber sur le sol. Il se sentait tellement faible et inutile. Faible car il se laissait aller, alors que Yû, elle, connaissait une souffrance sûrement bien plus grande que la sienne. De plus, comment pouvait-elle croire les conseils d'un homme qui ne les respectait même pas? Elle devait se sentir tellement triste. Et c'est pour cela qu'il se sentait inutile. Il faisait du mal à la petite. Juste à cause de ces yeux. Ces yeux qui lui empêchaient de voir clair, mais qui éclataient la réalité et la vérité.

Ses tremblements ne s'arrêtaient pas, mais il pouvait tout de même sentir la chaleur réconfortante qui se dégageait de la main de Yû. Nagoyaka fixait toujours cette dernière, sans bouger. Puis il lui dit d'une voix si basse, qu'on ne l'entendait presque pas:

"Je t'en prie.....ne pleure pas.....surtout pas avec ces yeux là......"

Il se sentait tellement faible. Il avait échoué. Il avait encore blessé quelqu'un.

".....Je ne voulais pas te faire pleurer......ni que tu aies peur de moi......en fait, je....je ne sais pas ce que je veux.....D'ailleurs, je n'ai pas le droit de "vouloir"....et toi, je préfèrerais que tu ne saches rien...de toute façon, il n'y a rien à savoir...d'accord...? Alors, s'il-te-plaît.....ne pleure plus....Parce que......."

Parce que ça lui faisait du mal de la voir pleurer. Mais quelque chose lui empêchait de lui dire. Il s'éloigna de Yû, la forçant à lui lâcher la main, et se tenait maintenant contre un mur. Il ferma ses yeux, et sa bouche s'ouvrit à nouveau, pour ne laisser échapper que des sons, qui, si on se forçait un peu, ressemblait à un mot: "Impardonnable". Il répétait donc ce mot, sans cesse, ne reprenant presque pas son souffle.
Il était maudit, et le resterait. Et il ne fallait plus qu'elle approche, sinon, elle aussi, connaîtrait l'Enfer, comme il le fit subir à ceux qu'il aimait.....

Yû continuait à pleurer, laissant ses larmes remplies de peines tomber sur le sol, humidifiant légèrement le carelage de l'infirmerie. Elle ne pouvait pas soutenir le regard de Nagoyaka lorsqu'il était comme ça, elle n'avait pas peur mais elle ne pouvait s'imaginer à pouvoir le regarder encore une fois, elle sanglotait et tenait fermement la main de l'infirmier pour qu'il arrête de se faire mal, il souffrait et la jeune fille le sentait très bien, rien qu'en sachant avoir le sang du docteur sur ses propres mains. Elle ne savait plus quoi faire, elle tremblait de tout son corps mais jamais elle ne laisserait tomber le docteur. Lui, il ne l'avait pas fait, et elle, elle ne le fera pas, non, ce n'était pas comme si elle lui devait quelque chose, c'était juste parce qu'elle l'appréciait beaucoup, et voulait absolument comprendre la raison du pourquoi et du comment il souffrait. Elle fixait le sol, les gouttes le rencontrèrent, ses cheveux longs et bruns touchèrent les carreaux, sa robe rouge aux fines bretelles jonchèrent de même sur ces derniers, ses bras fins tremblèrent, le corps de cette frêle jeune fille émanait une sorte de chaleur douce et réconfortante. Elle voulait à tout prix que Nagoyaka se calme, il était blessé, gravement. Ses cicatrices qu'il avait au cou, cela avait pétrifié de peur l'adolescente qui revoyait cette image dans sa tête, cela défilait dans son esprit, les situations qu'elle avait connu se mélangèrent alors, et rapidement, tout devint noir pour tout se briser en mille morceaux. Un flash survint alors brusquement, et en même temps, la jeune fille releva sa tête, entendant de ses oreilles la voix de l'infirmier.

Elle était toute basse, personne d'autre que Yû ne pouvait l'entendre. Il la supplia de ne plus pleurer, mais comment pouvait-elle s'arrêter ? Elle ressentait cette souffrance l'envahir, mais ne la rejeta pas, elle voulait l'accueillir pour que Nagoyaka puisse se sentir mieux, du moins pour quelques instants, juste pour quelques instants.

La Shirasaki n'était en aucun cas blessée, elle ne l'était pas du tout, tout ce qu'elle voulait, c'était comprendre la situation de l'infirmier, elle voulait savoir, et peu importe si c'était horrible, elle l'écouterait, oui, elle l'écouterait parler, comme lui l'avait fait. Elle l'appréciait beaucoup et voulait l'aider, car le jeune homme était sûrement quelqu'un qui avait besoin qu'on le guide, qu'on le fasse sortir de ce chemin brumeux, qu'il retrouve la lumière pour vivre convenablement sans à se vouloir blesser lui-même pour une quelconque raison.
Ces yeux ? Pourquoi n'arrêtait-il pas de parler des yeux de la lycéenne, elle fixa alors les siens qui étaient rouge, le visage de Yû était doux à regarder mais il reflétait l'inquiétude, pour cette homme. Elle ne disait plus rien, laissant ce dernier parler pour ensuite s'éloigner et se coller contre le mur, la salle avait un silence pesant qui régnait, l'ambiance joyeuse n'était pas des plus bienvenues...

L'adolescente essaya de se calmer, toujours à genoux sur le sol, elle regarda ses mains embuées du sang de Nagoyaka, le liquide rouge qui avait la même couleur que sa robe, elle ne pouvait essuyer ses larmes ou son visage finirait comme ses deux membres. Elle continuait à regarder le jeune infirmier, il fuyait, il voulait partir mais la Shirasaki voulait le rattraper. Il n'y avait rien à savoir ? Elle en doutait fortement ! Il ne voulait plus qu'elle pleure, il avait eu ce qu'il voulait, elle respira un bon mais resta assise par terre, elle tendait sa main, tout fébrilement vers Nagoyaka.

- Je .. Je ne pleure plus. Vous ... Vous voyez ?

Disait-elle avec un léger sourire sous ses dernières larmes. Sa main ensanglantée tremblait toujours.

- Et moi, je préférai que vous vous confiez à moi, je veux que vous vous libériez. Vous ... Vous n'avez pas à souffrir de la sorte. Je n'ai pas peur, ayez confiance. Je vous écouterai, Monsieur Torii.

Elle ajouta alors.

- Je ne vous lâcherai pas, je ne partirai pas, je resterai. Je resterai avec vous.

C'était sincère, elle appréciait Nagoyaka, et voulait l'aider, et si il ne voulait pas, elle s'en ficherait de son avis, elle ne pouvait pas le laisser tomber, elle voulait le guider. Il était perdu, elle aussi..

L'infirmier s'était laissé glissé le long du mur. Il était maintenant assis sur le sol de la pièce, et ses murmures avaient enfin cessé. Son visage était vide d'expression, et il fixait le plafond d'un air vague. Il ne posa ses yeux rouges sur Yû que lorsque celle-ci prit la parole. Ses pleurs s'étaient arrêtés. Enfin. Il se sentait un peu mieux. Juste un peu.
La main fragile et ensanglantée de la jeune fille s'était tendue vers lui, comme pour l'aider à se relever. Elle....elle paraissait si rayonnante. Il avait l'impression qu'elle était la Lumière, et lui les Ténèbres. Ils se ressemblaient mais étaient opposés.

Elle voulait maintenant qu'il se confie à elle....? Comme lui avait fait avec elle, c'est ça? Mais cela relevait de l'impossibilité. Jamais il ne s'était confié à personne, même pas pour quelque chose d'inutile. Jamais il n'avait dit ce qu'il ressentait. Jamais. Pourtant...elle, après s'être confiée, elle s'était sentie mieux....Alors s'il lui parlait un peu, s'il lui disait comment il se sentait, irait-il mieux lui aussi? Allait-il avoir l'impression d'être libéré? Quelle sensation cela lui ferait-il? Se sentirait-il plus...léger? Libre de mouvement? Parce qu'il avait l'impression d'être enchaîné à son passé, et qu'il lui était impossible de se détacher. Et que même s'il tirait de toutes ses forces, d'autres liens métalliques venaient se rajouter, et il se faisait à nouveau tirer vers les Ténèbres....Peut-être que Shirasaki ressentait cela elle aussi...? Elle, elle essayait de rattraper son passé, contrairement à lui. Enfin, elle voulait aussi s'en libérer non...?

Il voulait saisir la main de Yû, mais il ne le pouvait pas. Il n'en avait plus la force. D'ailleurs, il n'avait jamais été fort. Durant toute sa vie, il n'avait fait que fuir. Et encore, il n'y était même pas arrivé. C'est pourquoi il avait baissé les bras. Il n'était plus en mesure de s'accrocher. Ah si. Il se rappelait le jour où l'envie de vivre lui était venue. C'était quand sa soeur était née. Elle avait été le rayon de sa vie. Sa seule raison de vivre. Et même quand il en fût séparé, il ne vivait que pour elle. En fait, même depuis sa mort il vivait pour elle. Il avait toujours vécu pour Hana, et jamais pour lui. Il ne s'était jamais soucié de lui d'ailleurs. Tout comme les autres ne s'étaient jamais soucié de lui. C'était peut-être pour ça. Et Yû, pourquoi vivait-elle? Qu'est-ce qui lui donnait la force de continuer à vivre? Le désir d'être aimé? A quoi bon. Enfin, peut-être y arriverait-elle? Il l'espérait.
Nagoyaka ferma doucement ses yeux, comme s'il voulait dormir. Yû était une sorte de berceuse pour lui. Elle s'accrochait à lui, alors qu'au contraire, il essayait de la faire lâcher. Il se disait maintenant que s'il se confiait, sa promesse ne serait pas respectée. Parce qu'il ne devait pas être heureux. Il se l'était promis. Non. Il l'avait promis à sa soeur. Sa soeur Hana à qui il avait pris la vie.

Son coeur battait moins fort dans ses oreilles, sa respiration était plus calme et régulière, mais son visage paraissait toujours fatigué. Oui, il était fatigué de la vie. Alors pourquoi Yû voulait l'aider? Sans ouvrir les yeux, il prit la parole, d'une voix assez faible:

"Je ne comprends pas......pourquoi voudrais-tu m'aider....?"

Il retint ses larmes de couler, mais ne pouvait empêcher le sang qui s'échappait de sa main et de son cou.

"Je suis désolé...je ne voulais pas que tu me vois comme ça....je....mais je voudrais aussi...te remercier...parce que si tu étais partie, je pense que je n'aurais pas arrêté ma main...Et sache aussi que ce n'est pas de ta faute....c'est juste que tes yeux me font penser...à elle...."

Il ne pouvait pas continuer. Il avait déjà du mal à l'évoquer. Lui raconter à qui appartenait ces yeux lui était impossible. Il reprit quand même:

"...Oublie...oublie ce que tu as vu...parce que je ne voudrais pas que tu te mettes cette souffrance à dos...tu souffres déjà assez, et je ne pourrais pas me pardonner....de te faire du mal...parce que..."

Il s'arrêta et ouvrit les yeux, lentement, comme s'il avait peur de la voir. Puis finalement il la fixait. Ce n'était pas parce qu'elle avait les même yeux que Hana qu'il l'appréciait, mais parce qu'elle se battait, parce qu'elle souffrait pour l'aider, lui......Il versa alors une larme qui coula le long de sa joue. Une larme qui était destinée à Yû...

"Merci...."

Qui avait parler de faire du mal ? Nagoyaka s'était toujours mis en tête du fait qu'il l'avait fait, alors que ce n'était pas du tout le cas. Yû, elle, elle ne ressentait pas ce sentiment à son égard, elle souffrait certes mais ce n'était en aucun cas la faute de l'infirmier, pourquoi s'était-il pris de remords, tout d'un coup ? Que lui arrivait-il ? Ce dernier se laissa glisser alors, se laissant tomber au sol, assis maintenant sur le carelage froid de l'infirmerie. Cela ne se voyait peut-être pas mais la Shirasaki était vraiment inquiète, elle voulait absolument comprendre cette situation, le jeune homme qui se trouvait en face d'elle, saignant du cou, la main embuée de son propre sang, touchant les carreaux gelés de la salle. Le silence était pesant et l'adolescente, restant immobile, les genoux par terre, elle laissa tomber sa main tâchant alors sa robe rouge de ce liquide chaud qui ne lui appartenait pas.

Nagoyaka venait de prendre la parole, dieu soit loué, se disait-elle, elle avait entendu ne serait-ce qu'un seul mot de sa part, elle ne supporter par cette ambiance sombre et lugubre mais pourtant, elle était en train de vivre, dans cette salle regorgeant une aura noir, froide et chaude en même temps. Les lumières situées au plafond, allumées certes mais illuminaient la salle de fond en comble. Yû, maintenant les deux mains sur ses genoux, écouta attentivement les paroles du docteur, elle l'écoutait, les yeux fermés, sentant les larmes qui avaient perlé son doux visage se sécher, petit à petit. Ses yeux bleus océan.. Elle venait de le comprendre, était-ce à cause de ces derniers que tout avait commencé ? La Shirasaki voulait comprendre une bonne fois pour toute, pourquoi Nagoyaka n'arrêtait-il pas d'en parler ? Cela faisait-il parti de son passé, douloureux, tortueux, en même temps ?

Elle.

A qui était destiné ce pronom personel ? Pas à Yû en tout cas, elle essayait de saisir cette réponse de sa main dans le sens figuré du terme mais n'arrivait pas encore à toucher le bout, elle essayait de réfléchir, ses cheveux bruns, sa frange cacha de quelques peu ses pupilles azur, elle semblait s'être perdue dans ses pensées les plus profondes, et ces dernières étaient destinées au jeune infirmier. Pourquoi la Shirasaki voulait l'aider ? La réponse était évidente.

Yû ne pouvait supporter cette image de souffrance, surtout lorsque la personne en question souffrait en silence, sans demander de l'aide, ou plutôt se l'empêchait-elle, d'où le fait qu'elle rejetait les autres, pour être seul à rester enfermer dans cette sorte de boîte noire, pour toujours. Elle essayait de s'en sortir mais en vain, elle était toujours écrasée par les sentiments négatifs et humains en tout genre. Nagoyaka avait-il cette image en tête ? La lycéenne, elle, l'avait toujours marqué dans son esprit, plus jeune, elle faisait des crises et en parlait même, ayant trop peur d'être vraiment cloîtrée dans cet objet sombre, elle en pleurait même. De loin, on pouvait croire qu'elle était givrée mais ce n'était pas le cas, elle avait tellement souffert de l'indifférence des autres qu'elle prenait tout sur elle, pourquoi la rejettait-on d'ailleurs ? Juste parce qu'elle n'était pas comme les autres membres de sa famille ? Etait-ce pour ça ? Yû ne voulait pas du tout l'admettre et petit à petit, s'amusait à se faire des films. Moultes raisons pour qu'on la laisse de côté.

Si elle était envoyée dans ce lycée, c'était parce qu'elle était une honte pour la lignée des Shirasaki, d'où le fait qu'elle voulait changer, mais c'était tellement dur de marcher droit devant soi en étant seule, elle trébuchait même et avait besoin d'un guide.
Nagoyaka pensait-il la même chose ? Il était perdu ? Comme elle alors. Il lui demandait d'oublier tout ce qu'elle venait de voir. Impossible. Elle ne le pouvait, cette image restera dans sa tête pour longtemps, l'infirmier, blessé maintenant, elle ne pouvait se rédoudre à le laisser, elle l'avait dit, elle ne le lâcherait pas ! Jamais !

- Monsieur Torii, ne dites pas que vous me faites du mal, c'est faux. Regardez.

Elle montra ses lèvres avec son index, un petit sourire se dessina.

- Je .. Je souris. Je vais bien. Et grâce à qui ? A vous. Vous m'aviez écouter, malgrès le fait que je pouvais me faire passer pour une quelqu'un étant fou, à vouloir pleurer pour rien.

Nagoyaka venait de la remercier, une larme coulant de sa joue. C'était la première fois, la première fois qu'elle le voyait se laisser aller, était-ce maintenant son vrai dont elle avait affaire ? Vraiment ? Elle ne put s'empêcher de ramper, doucement, vers le docteur. Se retrouvant maintenant face à lui. Elle resta immobile.

- Je vous en prie, dites-moi. Dites le moi, je veux vous aider. Parce que .. Parce que .. Je vous apprécie beaucoup. C'est inscensé, vous devez sûrement le croire mais je vous aime beaucoup, Monsieur Torii. Vous souffrez en silence, je le sens, je le sais.

Elle ajouta alors.

- Elle ... Qui est ce '' elle '' ? Je voudrai comprendre. Vous comprendre, comme vous l'avez fait pour moi.

Et au final, Nagoyaka avait remercié sa patiente, cette dernière hôcha de la tête, un regard doux et chaleureux, pour lui.

Yû était si belle quand elle souriait. On croirait un Ange. Sa voix aussi était réconfortante. Puis elle s'était approchée de lui, doucement, comme pour ne pas l'effrayer, et lui avait encore demandé de se confier à elle. Elle faisait tout ça pour qu'il aille mieux. Elle l'appréciait? Comment pouvait-elle apprécier une personne tel que lui? C'était ça qui était incensé. Pourtant, elle n'avait pas l'air de mentir. Nagoyaka, par ces mots, ne sentait presque plus la douleur de ses blessures. Comme si ce bonheur d'être aimé était plus fort.
Elle souhaitait le comprendre....parce qu'elle le voyait souffrir. Mais pourquoi ne s'occupait-elle pas de ses souffrances à elle d'abord? Il la trouvait tellement gentille....elle s'occupait des autres avant elle...Mais...n'était-ce pas ce qu'il faisait? Non. Il se trouvait plus égoïste qu'autre chose. Parce que s'il n'était pas allé lui parler ce jour-là, sa soeur ne serait pas morte aujourd'hui. Elle vivrait heureuse dans sa famille. Elle ne l'aurait peut-être pas connu, mais ce n'était pas important. Mais en fait....était-elle vivante? Dans les deux cas, elle devait le haïr. C'était sûr.

Il gémit puis toussa, mettant sa main devant la bouche. Il avait toussé quelque chose de chaud....du sang. Sûrement à cause des blessures à son cou. Il ferma le poing et le reposa sur le sol. Il était étonné de n'avoir pas senti la frigidité du carrelage. Etrange. Sûrement à cause de tout le sang qu'il avait perdu. Enfin, peu importe. Même s'il y mettait tous ses efforts, il n'arriverait jamais à mourir. La preuve en était qu'après la mort de sa soeur, il s'était déchiré le cou, en vain, puis avait essayé d'en finir en se tailladant les poignets. Et il n'avait pas encore rejoind l'Enfer. Même si ce qu'il vivait l'était en partie. Vivrait-il un jour le Paradis, au moins une seule fois dans sa vie? Il baissa ses yeux vers Yû. Peut-être qu'avec elle....il connaîtrait enfin le bonheur? Après tout, elle était un Ange, non? Mais il s'éloigna cette idée de son esprit. A quoi pensait-il? Elle était une adolescente. De plus, il n'était pas amoureux.....il l'appréciait juste beaucoup, étant la seule personne qui s'est autant accrochée à lui. Rien de plus.

Cette fois il prit son courage à deux mains. Son coeur commença à nouveau à battre vite et fort. Il allait lui parler....ou en tout cas il allait essayer, mais après...Que se passerait-il? Allait-elle le traiter de monstre? Allait-elle le detester? Et même, en imaginant qu'elle veuille bien l'accepter, serait-elle maudite à son tour, comme les autres? Il avait si peur. Si peur qu'elle soit blessée par sa faute.
C'est alors qu'il vit à nouveau le sourire tendre et chaleureux qu'elle lui offrait. Il serra les dents et ferma les yeux. Et finalement il dit:

"Je m'en souviens.....je m'en souviens comme si c'était hier....En fait..par quoi commencer...?"

Il ramena ses mains à son visage et se cachait. Il se sentait mal. Tellement mal.

"Comment pourrais-je m'exprimer...? Ca ne m'est jamais arrivé de dire ce que je ressens...je ne sais pas comment faire....c'est trop dur...Et plus je pense comme cela, plus je me dis que je suis faible, car toi...toi Shirasaki, tu as fait preuve de courage en vidant tout ce que tu avais sur le coeur....tu as souffert autant que moi...non, même plus...et tu souffres encore...pourtant tu continues à te battre...moi mon combat est vain..."

Il restait toujours caché derrière ses mains et se remit à trembler.

"Je n'aurais pas voulu que tu me voies comme ça...Shirasaki...j'aurais voulu rester cet infirmier distant...parce que ce vrai moi je le deteste. Je voudrais tant être fort. J'aurais tant voulu naître normal, faire le bonheur de mes parents, pouvoir vivre......pouvoir vivre avec elle..."

Il trembla plus fort. La douleur et ces souvenirs le faisaient souffrir. Il n'arrivait plus à parler. Il avait pourtant commencé. Mais il ne se sentait pas mieux. Pourquoi...?
Il voulait voir le sourire de Yû, si doux et réconfortant. Il fallait qu'il dise...ce qu'il ressentait, ce qu'il avait fait...et il lui fallait lui expliquer le rapport avec ses yeux bleus. Mais ça lui était tellement difficile. Il n'y arrivait pas. Même s'il ne souhaitait pas laisser la petite sans réponse, il n'en avait pas la force.

Il se leva en s'aidant du mur et maintenant s'y tenait pour ne pas tomber. Il laissa échapper un gémissement. Le fait d'avoir bougé lui avait fait mal. En fait, même lorsqu'il parlait il avait mal. Surtout au coeur....Cette blessure qui ne guérirait jamais pensait-il. Malgré tout, il reprit la parole, le liquide écarlate coulant toujours de son cou et maintenant de sa bouche par de légers filets de sang:

"Hana....elle s'appelle....s'appelait Hana..."

Il n'arrivait plus à continuer. Puis il toussa à nouveau. Yû disait qu'elle se sentait bête de pleurer....? Il ne trouvait pas. Car au moins, elle, pleurait. Lui n'y arrivait même pas, comme si ses larmes étaient coincées dans sa gorge....se mêlant alors à son sang....peut-être alors que c'était ça...? Ses larmes étaient son propre sang, c'était pour cela qu'il se faisait du mal....? Il pleurait ainsi, pas de la même manière que les autres, car ses larmes à lui étaient douloureuses à faire sortir.....

Yû, toujours assise, les genoux contre le sol froid, elle sentait les lignes des carreaux de l'infirmerie s'appuyaient contre ses jambes, elle allait bientôt avoir la marque de ces derniers mais elle ne voulait pas se lever, elle avait juste devant elle, Nagoyaka, souffrant en silence et de plus, blessé. Il perdait beaucoup de sang, la Shirasaki avait un tilt dans sa tête, et s'il mourrait là ? Il avait perdu beaucoup de ce liquide rouge de son corps. La lycéenne commença à s'inquiéter de plus en plus, que faire ? Elle ne savait pas vraiment s'y prendre pour soigner quelqu'un en fait, elle ne l'avait jamais fait, et pourtant ... Il y'avait un blessé juste devant ses yeux, elle voulait l'aider certes mais d'abord, il fallait qu'elle l'aide en nettoyant tout ce sang, d'ailleurs ses mains en été embuées.

- Monsieur Torii.

Demanda t-elle mais elle ne put ajouter autre chose que ce dernier se leva, s'appuyant au mur, des filets de ce liquide rouge qui parcours notre corps, il en était apparut au coin des lèvres, de la bouche du jeune infirmier. Il ne devait en aucun cas bouger, il était faible et le montrait bel et bien, pourquoi se levait-il ? Voulait-il fuir ? Il ne tarda pas à cacher son visage pour pas que Yû ne le voit mais impossible, son regard se porta automatiquement vers l'homme qui était devant elle, et doucement, elle se leva, allant rapidement chercher quelques draps, ou plutôt serviettes blanches se situant dans le placard de l'infirmerie, elle laissa néamoins des traces de ses mains ensanglantée sur les poignets mais elle s'en fichait royalement, le plus important était Nagoyaka et son état. Il ne devait pas fuir, non, Yû voulait le rattraper et le guider hors de ce labyrinthe parsemé de douleur, d'obstacles, et tout sortes de choses nuisibles aux humains.
Elle courut à travers la pièce et s'arrête brusquement, entendant la voix posée mais ayant une pointe d'hésitation, c'était l'infirmier qui parlait, il se confiait à la jeune fille ? Vraiment ? La Shirasaki regarda le jeune homme, les draps blancs dans ses bras, elle fit quelques pas en avant vers lui, l'écoutant attentivement. Ne l'avait-elle pas dit précédemment ? Elle l'écouterait et ne le lâcherait jamais.

Par quoi commencer, demanda t-il ? Par n'importe quoi, Yû essayera de comprendre le mieux qu'elle pourrait, elle eut un petit sourire rassurant, elle ne voulait pas brusquer le docteur mais celui-ci commença à se dévoiler, à dévoiler sa vraie personnalité qu'il avait jusqu'à maintenant enfermé. La jeune fille resta silencieuse sur le coup. Elle était courageuse elle ? Ce n'était pas ce qu'elle ressentait, au contraire, elle ne l'était pas, elle n'arrêtait pas de fuir, lorsqu'elle était plus jeune, ne se souciant pas de tout ce qui se passait autour d'elle, pourquoi la rejetait-on, pourquoi était-on indifférent avec elle. Elle ne fit que répondre avec sa voix douce, tout en regardant Nagoyaka.

- Monsieur Torii, j'ai souffert c'est vrai, et je souffre toujours mais ma peine s'est petit à petit apaisée quand je vous ai parler. Ne voulez-vous pas en faire de même, avec moi ? Ne dites jamais que vous n'arriverez pas à bout de ce que vous voulez, c'est faux. Vous avez juste besoin qu'on soit là, qu'on vous guide, qu'on vous écoute, qu'on vous comprenne.

Demanda t-elle tout en s'approchant de lui, avec sa petite main, elle saisissa celle de l'infirmier, doucement, sans le brusquer, ou quoi que ce soit, puis l'autre pour qu'elle puisse voir le vrai visage de celui-ci. Il reflétait la peur, la tristesse, l'angoisse. Tout ce qu'elle ressentait avant de venir ici, cependant, tout en prenant les mains du docteur, elle sentit les tremblements de celui-ci, était-il réellement effrayé d'en parler ? Il ne fallait pas, la Shirasaki ne lui ferait rien, au contraire, elle souhaiter juste l'écouter et l'aider en retour.

- Mais vous êtes fort, pourquoi dites-vous le contraire ? Vous souffrez en silence, mais vous êtes toujours là, à vivre, à vivre votre vie. Vous supportez cette douleur seul, et sans l'aide de personne.

C'était vrai, quelqu'un comme lui en aurait sûrement fini avec sa vie ?

Yû commença alors essuyer, du moins elle essayait d'essuyer le sang qui perlait le long du cou de Nagoyaka, et évitant de lui faire mal, elle déchira alors le drap blanc puis enroula maladroitement la gorge de l'infirmier, pour stopper l'écoulement du liquide rouge. Bon, ce n'était pas fameux mais au moins, elle avait pris les premières initiatives. Elle l'écoutait toujours, il parlait alors de ce '' elle '', qui était-elle alors ? Le mèdecin déclara alors vouloir naître en tant qu'être normal, vivre avec ses parents et '' elle ''. Pourquoi s'insulter de la sorte ? Ce jeune homme était un parfait humain, normal ! L'avait-on rejeter aussi ? Pourquoi ? A cause du fait qu'il avait les cheveux blancs ? Les yeux rouges ? Mais c'était inscencé comme raison ! Yû ne voulait pas le croire, elle bougea négativement sa tête.

- Vous êtes comme moi, un humain, Monsieur Torii.

Déclara t-elle en reculant de quelques pas, ses mains baigné de sang encore, elle les regarda, puis entendit le nom Hana, était-ce donc le prénom de cette fille ? Ce '' elle '' ? Yû leva alors sa tête, la hôchant doucement, qu'il continue, elle l'écouterait et voulait comprendre.

- Hana ? C'est donc '' elle '' ?

Demanda t-elle juste, elle ne voulait le forcer à raconter la suite, ne voulant pas le brusquer, il irait à son rythme et elle le suivrait, doucement, en temps et en heures.

Décidément, Yû savait s'y prendre avec lui. Elle savait trouver les mots justes. Des mots qui touchaient énormément l'infirmier. Elle lui disait qu'il était fort parce qu'il continuait de vivre. Fort...? Il n'était pas fort. C'était impossible. Il avait alors fermé les yeux, et s'effraya lorsqu'il sentit les mains de la jeune fille se poser sur son cou. Elle lui avait passé un drap autour de la gorge, pour arrêter un peu le saignement. En temps normal il aurait trouvé cela idiot, car le pansement n'était pas très approprié, mais là il trouvait que c'était un acte très touchant... "Humain". Ce mot avait résonné dans la tête de Nagoyaka. Alors elle le trouvait "normal"?
Enfin. Enfin quelqu'un lui avait dit tous ces mots si réconfortants mais pourtant si simples, si bons à entendre. Il avait attendu si longtemps au fond de lui, et il avait pensé que jamais il ne les entendrait. Ce fût long, mais quelqu'un l'aimait. Elle. Yû Shirasaki. Une jeune fille au passé dur qui l'avait écouté, l'avait compris. Ou du moins qui essayait de le comprendre, même si elle avait été capable de voir les ténèbres autour de lui.

Il se détendait à nouveau, peu à peu, même s'il n'était toujours pas à son aise. Il passa sa main sur le "bandage".

"Merci..."

La jeune fille était encore plus intriguée par Hana, mais elle ne lui posa pas plus de questions, elle n'insistait pas. Ce qui mit l'infirmier un peu plus en confiance. Enfin, ce n'était pas une question de confiance. C'est juste qu'il ne voulait pas se faire harceler de questions, il s'en posait déjà assez à lui-même, alors si elle se rajoutait...
Il attendit quelques secondes, peut-être quelques minutes? Et prit la parole, continuant ce qu'il avait commençé:

"Hana....était ma soeur...ma petite soeur...elle était, et est toujours ma raison de vivre... c'est pour elle que je vis, pas pour moi..."

Plus il parlait, et plus il se sentait ridicule. Mais il continuait quand même, Yû devait savoir, surtout au point où il en était. Il reprit donc, s'éloignant un peu de l'adolescente, comme s'il avait peur, peur d'être rejeté:

"....Elle est née au moment de ma vie où je comptais en finir. J'avais 12 ans et je voulais déjà mourir.....mais quand elle est apparue, je me suis senti..tellement heureux...Mais je ne l'ai connu que durant 4 ans...Ma famille m'a envoyé vivre seul, sans que je puisse voir ma soeur...mais c'est normal après tout...je les comprend...."

Il attrapa ses cheveux blancs, les tâchant de son sang, et un air de folie se dessina sur son visage.

"Je suis peut-être un humain Shirasaki......mais je suis maudit. Ces cheveux et mes yeux répugnants le prouvent. Les autres le disent....tous....ils me l'ont toujours fait comprendre..."

Il voulait prendre Yû dans ses bras, il avait envie de sentir quelqu'un contre lui. Mais il continuait de s'éloigner doucement d'elle.

"J'aurais tant voulu que mes parents m'acceptent comme je suis...j'aurais tant voulu que mon père soit fier de moi...que ma mère me prenne dans ses bras....que les autres enfants jouent avec moi...et pourtant, je n'ai reçu que de la haine, et pire....de l'indifférence........Tu la connais non? Ta famille aussi te l'a fait ressentir? L'indifférence est pire que tout...c'est le pire traitement....Mais malgré cela, je n'ai cessé de continuer à vivre....pour avoir le plaisir de revoir ma soeur Hana...."

Nagoyaka avait continué à reculer, jusqu'à ce qu'il arrive dans un coin de la pièce. Puis il se tenait le visage de sa main ensanglantée, le barbouillant de ce liquide souillée et rouge comme ses yeux, qui eux, fixaient le sol, impossibles de regarder Yû.
Décidément, il n'y arrivait pas. A battre ses yeux. De plus, il avait peur, il ne voulait pas se faire rejeter, mais pourtant il allait déjà trop loin car il commençait à briser sa promesse faite à sa soeur, qu'il dit à voix haute:

"Je ne vivrais que pour toi. Plus jamais je ne devrais connaître le bonheur. Je devrais vivre pour être puni..."

Son regard était à nouveau vide d'expression. Mais il continuait de parler:

"....Shirasaki, je ne voudrais pas te faire du mal...comme j'en ai fait aux autres qui me sont chers. Alors s'il-te-plaît, ne t'obstines pas....je dois vivre pour venger sa mort...car je me le suis promis, et de toutes manières, même si je le voulais, je ne connaîtrais pas le bonheur..Il est bien trop tard pour recommencer à vivre..Et puis, jamais je ne pourrais pardonner à son assassin....Jamais."

Il ne se le pardonnerait jamais.....

Yû recula alors de quelques pas pour laisser un peu d'espace au jeune infirmier, pour qu'il puisse tranquillement respirer, ce qui était le cas, vu qu'il commençait à aller mieux, dans le sens où il avait terminé de faire sa crise, d'ailleurs, cela soulagea la lycéenne mais elle était toujours inquiète pour les blessures. Certes le cou du docteur avait arrêter de saigner, le drap s'était juste impregné de son propre sang, et peut-être qu'il faudrait déjà le changer, il restait encore beaucoup de serviettes blanches dans le placard, donc autant en profiter, et de plus, la salle avait de multiples traces de sang, partout, cela rappelait un peu les genre de films d'horreur. Bref, pas le temps de penser à ça, Nagoyaka semblait aller mieux, quoique ...

Ce dernier commença encore une fois à s'éloigner de Yû, il recula aussi, jusqu'à atteindre un coin de la pièce. Non, ne fuyez pas, s'il vous plaît, pensait-elle. Avait-il peur d'elle ? Non, c'était improbable. Maintenant, le jeune homme continua son triste récit, la patiente écouta attentivement tout en le suivant du regard, elle resta immobile à le regarder s'éloigner d'elle, mais au fond d'elle, elle ne voulait pas, elle avait peur, peur qu'il arrive malheur au mèdecin, il était déjà en plein désarroi, elle ne voulait pas que d'autres s'en ajoutent. Cette peine, la ressentait et de même, il se haïssait, et d'ailleurs, il déclara qu'il ne vivait que pour sa petite soeur, oui, Hana. Donc c'était elle, et vu comment il en parlait, il avait l'air de beaucoup l'apprécier, ce qui fit sourire légèrement l'adolescente mais ce dernier disparaissa alors pour faire place à un regard surpris. Elle n'avait pas pitié de Nagoyaka, elle était juste peinée, et comprenait alors parfaitement la douleur qu'il ressentait. Son histoire était tellement sombre, on pouvait peut-être en pleurer mais Yû ne le fit pas, elle porta alors la main à son coeur, sa robe déjà tâchée de sang, elle n'en rajoutait guère une couche.

Lui aussi, avait été rejeté, il avait subit la douleur, la haine, l'oubli et surtout l'indifférence. La Shirasaki baissa sa tête vers le sol, repensant à elle-même, elle avait eu la même chose, quand tout le monde lui avait tourné le dos car elle n'était pas une surdouée, elle ne pouvait s'empêcher de revoir cette fameuse scène dans son esprit, son père en colère, la disputant et lui avouant des choses qu'elle ne pouvait comprendre puisqu'elle était trop jeune. Elle fut tirée de ses songes, subitement, tout en relevant son regard vers celui de Nagoyaka.

Elle bougea négativement sa tête et fonça alors prendre encore quelques serviettes blanches dans le placard, mouillant alors une avec de l'eau fraîche à l'aide du robinet de la salle, puis tout doucement, sans vouloir effrayer le jeune homme, elle fit quelques pas, s'avançant vers lui, ses mains qui étaient ensanglantées ne l'étaient plus vraiment, mais le drap humide devint alors un peu rouge, voire un peu rose aussi absorbant le liquide humain.
Elle continua à s'approcher doucement de Nagoyaka puis s'arrêta, étant en face de lui, elle tremblait un peu, rien qu'à entendre son histoire. Elle était effrayée, non pas par lui, mais par la douleur qu'il pouvait ressentir depuis qu'on l'avait envoyé vivre seul, loin de sa soeur, cette personne pour qui il voulait absolument vivre, il ne le faisait même pas pour lui mais pour Hana, sa tendre petite soeur. Cela se voyait qu'il l'aimait énormément.

Cependant, elle n'était pas d'accord sur quelques de ses propos, comment pouvait-il dire qu'il était maudit ? Impossible, et d'ailleurs pourquoi ?
Elle décolla ses lèvres et rapidement, mais doucement, elle essuya le visage de Nagoyaka avec la serviette mouillée, l'eau était fraîche et elle espèrait que cela lui ferait notamment du bien. Et avec douceur, elle passa sa main sur les joues de l'infirmier.

- Comment .. Comment pouvez-vous dire ça. Vous ne pouvez pas être maudit, c'est inscencé. Votre couleur de cheveux et celle de vos yeux importent peu, vous êtes vous et rien d'autre et si cela ne plaît pas aux autres, il faut les ignorer. Pour moi ... Moi ... Je ne veux pas ! Vous n'êtes pas maudit, moi je vous vois tel comme un homme, un infirmier. Comme .. Nagoyaka Torii.

Répondit-elle en souriant, elle le pensait sincèrement et s'il s'éloignait encore une fois, elle le suivrait partout, pour le guider n'importe où car elle ressentait cette aura froide et chaude qu'il dégageait, en même temps.
Elle pouvait comprendre pourquoi il cherchait à se cacher derrière une fausse personnalité, le Nagoyaka froid, distant au regard sévère, mais derrière se trouvait celui qui souffrait, qui criait pour rester seul, qui rejeter les autres pour ne pas leur faire de mal. C'était triste mais courageux en même temps, il ne pensait même pas à lui.

- Votre soeur .. Je sais que vous l'aimiez beaucoup, vous êtes tellement gentil de vouloir vivre pour elle et non pour vous. Mais s'il vous plaît, ne vous faites plus jamais de mal à vous-même, vous ne le méritez pas. Aucun être humain ne le mérite, nous avons tous quelque chose au fond de nous, de bénéfique. Vous en avez une vous, caché au plus profond de votre coeur.

Elle prit alors les deux mains du jeune mèdecin et les essuya doucement avec la serviette humide, puis reculant de quelques pas pour rester en face de celui-ci, elle posa le drap sur la table située juste à leurs côtés, puis regarda vers le côté, se tenant le bras. Sa frange cachait ses pupilles bleu, ses cheveux bruns et fins retombèrent au long de son frêle corps, elle décolla alors ses lèvres pour ainsi répondre, mais elle ne regardait pas le docteur, étrangement.

- Arrêtez de dire ça. Est-ce que là, je suis en train de pleurer car j'ai mal ? Non, car vous m'aviez fait du mal ? Non, ce n'est pas le cas. Vous .. Vous n'avez rien fait pour ainsi vous insulter d'être maudit, je ne sais pas ce qui s'est passé avec votre petite soeur mais je sais que vous ne l'aviez pas tué, pas de vos propres mains car vous l'adoriez n'est-ce pas ?

Elle se tut un moment et tourna sa tête, brusquement, montrant alors un visage triste et inquiet à l'égard du jeune mèdecin.

- Vous ne connaîtrez jamais le bonheur ? Je vous le montrerai ! Petit à petit, vous le verrez, et vous le ressentirez, ce sentiment.

Sa main se porta alors à son coeur.

- Il n'est jamais trop tard de recommencer à vivre, jamais. N'ayez pas peur d'avancer la tête haute, pour ainsi vivre. Monsieur Torii, je serai là, je vous guiderai, je vous encouragerai, je serai là, tout le temps. S'il vous plaît.

Elle resta immobile, face à lui.