Promenade nocturne (Pv Moon)

Mardi, 22h.

Sofia n'arrêtait pas de tourner dans son lit, marmonnant dans son rêve. Un cauchemar avait lentement et insidieusement prit possession de son rêve. Elle tournait la mort de ses parents dans sa tête, comme un film au ralenti. Elle ne saurait jamais quelles avaient été leurs dernières pensées, leurs derniers mots. Il faisait brutalement trop chaud sous sa couette. Elle la repoussa, s'extrayant péniblement de l'univers du rêve. Elle avait soif et la jeune fille se rendit à la petite salle de bain. Elle jeta un coup d'oeil à son reflet et grimaça. Ayant bu, elle repoussa ses cheveux en arrière, s'observant. Elle avait vraiment une mine affreuse... Revenant dans la petite chambrée, et ne souhaitant pas réveiller les autres, elle décida d'aller prendre un peu l'air dehors.

Ne se cassant pas la tête avec des préoccupations esthétiques, elle se contenta d'enfiler un pull par dessus son débardeur de pyjama et sortit de la chambre en chaussettes. Elle se promena un peu au hasard, connaissant mal ces lieux. Gravissant un nouvel escalier, elle se retrouva face à une porte en fer qui résista un peu à sa poussée. Puis brusquement un flot d'air frais envahit la petite cage d'escalier. Elle était arrivée sur le toit...

Elle avança prudemment sur le toit, évitant des possible tessons de verre, avant d'aller s'asseoir au rebord. Il faisait bon, et le ciel était dégagé. elle pourrait admirer à loisir les étoiles.

Les pensées de la jeune fille naviguaient dans sa tête, au rythme lent de la brise qui soufflait autour d'elle. On était en hiver, mais elle n'avait pas froid pour le moment. Elle aurait presque pu se sentir bien, si le souvenir de son cauchemar ne restait pas aussi présent dans son esprit. Elle s'était assise là, n'imaginant même pas que quelqu'un d'autre puisse se trouver sur les lieux, vu l'heure assez tardive. Elle pensait à ses parents, tout en observant les étoiles. Sofia aimait imaginer que ses parents étaient chacun une de ces étoiles qui éclairaient le ciel et qu'ils veillaient sur elle de là-haut.

Assise sur le rebord du toit, elle n'avait pas peur. Elle balançait doucement ses pieds dans le vide au rythme d'une musique imaginaire. Elle repensait aussi aux quelques rencontres faites depuis son arrivée. assez peu finalement, mais beaucoup fuyait devant son handicap. Pourquoi vouloir bavarder avec quelqu'un qui ne le pouvait pas? Elle adressa un sourire aux étoiles, un sourire pour elle-même, un sourire amusée. Elle avait prit l'habitude de voir des regards étonnés, puis gênés. Elle s'en fichait, elle ne voulait plus parler, alors que sa mère ne pourrait plus lui chanter des chansons.

Elle sursauta en entendant le léger déclic du briquet et lorsqu'elle vit le jeune homme s'asseoir près d'elle sur le rebord. Elle ne s'y attendait pas. Elle le détailla, promenant son regard sur le corps semi-nu du jeune homme. un visage finement dessiné, des cheveux mi-longs, de jolis yeux... Un corps marqué par la vie. Il portait une paire de gant de boxe autour du cou et il fumait une cigarette. Pourquoi venait-il s'entraîner ici? Ce n'était pas vraiment le lieu le plus approprié... Il s'adressa à elle, mangeant à moitié ses mots. Il marmonnait en fait...

"Tu sais , s'pas très sûr de s'asseoir par là , c'est dangereux même .... Bon tu m'diras j'suis là , mais tu m'avais pas vu .... Fin bref j'dis n'importe quoi , faut j'arrête de parler moi ."

Dangereux? Elle ne l'avait pas envisagé une seule seconde. Elle n'avait pas peur. Elle imaginait que même si elle tombait, ses parents là haut, ralentiraient sa chute. Elle haussa des épaules, lui signifiant qu'elle l'avait bien entendu. Elle n'avait pas son carnet sur elle, elle ne pouvait pas lui répondre. Elle avait appuyé ses mains sur le fameux rebord et ses doigts effleurèrent un petit caillou saillant. Cela ressemblait à une de ces pierres imitant la craie. Elle pourrait écrire quelques mots avec. Elle s'en saisit et écrivit à l'adresse du boxeur:

- Sofia.

Puis elle le regarda de nouveau.

Lorsqu'elle écrivit son nom, il sembla avoir quelques difficultés à le déchiffrer. Il ne devait pas être d'ici. du moins pas totalement. Il ajouta que c'était un joli prénom. Elle l'aimait bien aussi. d'autant plus que c'était sa mère qui l'avait choisi. il se présenta à son tour, murmurant son nom, comme s'il s'agissait d'un secret, un prénom à ne dire que dans un souffle afin qu'il se perde dans le vent. Moon... Comme la lune qui brillait se soir si haute dans le ciel. Elle aurait pu fermer les yeux et se laisser porter par la douceur de ce nom, s'il n'avait cassé le charme en lui posant la question fatidique.

"Mais , heu , excuse mon indiscrétion , tu es muette de naissance ou bien heu ... C'est un choc peut être ?"

Il ne lui laissa à peine le temps de répondre qu'il avait déjà embrayé sur autre chose. comme tous les êtres doués de la parole.

"Heu , j'espère que la fumée ne te dérange pas . Comme un idiot j'ai pas demmandé ..."

Elle sourit pour elle-même; comme si ce n'était pas un peu tard pour poser la question.
Elle reprit la craie, et se tournant un petit peu pour trouver de la place pour écrire, elle inscrivit sur la pierre:

- Muette.

Elle n'avait tout simplement pas envie d'en dire plus. Il n'était pas nécessaire que cet inconnu connaisse ses sentiments les plus intimes, les plus précieux. Elle n'avait pas non plus besoin de sa compassion. Elle ramena son regard sur Moon et frissonna à le voir ainsi torse nu, dans le froid de la nuit.

- Pas froid?

Il lisait. Lentement, déchiffrant chaque symboles. Il resta quelques instants silencieux, comme réfléchissant à ce qu'il venait de lire. Il lui parla finalement de la solitude qu'elle devait subir, volontairement ou non. Fuir? Oui, beaucoup le faisait. Mais elle s'en fichait. Elle n'y faisait pas trop attention. Il s'était accroupi sur le rebord du mur, dans une position plus que dangereuse selon elle. Il regardait la lune, puis il lui parla de son enfance. Pourquoi se confiait-il autant à elle? N'avait-il pas d'amis plus... proches? En même temps elle savait qu'il était parfois plus facile de se confier à de parfaits inconnus, plutôt qu'à ses amis les plus proches. Il souriait souvent, profitant sans doute de son apparence séduisante. Elle avait un peu l'impression que parfois il tentait de combler le silence, mais elle ne pouvait pas lui en vouloir. Elle esquissa un sourire, léger comme la brise. Elle était pensive.

"Ah heu oui . Au fait ... Je sais qu'on ne se connait pas vraiment mais ... Heu , tu penses que tu pourrais m'apprendre la langue des muets , avec les mains tout ça . Pardon mais j'sais pas comment ça s'appele ."

Elle l'observa avec un peu plus d'attention. Il voulait apprendre? Cette langue si étrange? Elle esquissa un nouveau sourire, plus franc. Pourquoi pas. Elle reprit son caillou.

- Quand?

Simple et concise. Droit au but. Elle l'étudiait du regard. En serait-il capable? Sans doute. Lorsqu'elle écrivit "quand", il sembla remarquer qu'elle lui avait posé une autre question. Il répondit rapidement.

"Ah , heu désolé j'avais pas vu . Bah heu ... Non j'ai pas froid , l'adrénaline causée par l'entrainement réchauffe pas mal , puis dans ma ville natale , en hiver il fait bien froid , mon maître me faisait m'entrainer en slip ... Donc le froid j'connais un peu ."

Il avait vécu en France, dans une ville qu'elle ne connaissait que de nom. Elle non plus elle n'avait pas toujours vécu au Japon, mais quelques temps en Russie dans une ville glaciale été comme hiver. Elle n'avait pas froid non plus. Elle se mordilla les lèvres, pensive.

Elle jeta un coup d'oeil en bas du bâtiment, comme pour jauger la hauteur qui les séparaient du sol, en attendant la réponse de Moon. Il répondit après avoir un peu réfléchit. Il lui annonça que c'était quand elle le souhaitait, parce qu'il avait beaucoup de temps libres. Elle haussa un sourcil, un peu surprise. Lui? beaucoup de temps libres? Voilà qui était surprenant venant de la part d'un aussi beau garçon. Mais bon... S'il le disait... Elle réfléchit à son tour au temps libre qui lui était accordé. Elle aurait sûrement un peu de temps dans les fins d'après-midi. au lieu de le consacrer à la lecture ou à la promenade comme elle en avait l'habitude, elle le consacrerait au jeune homme s'il le désirait. Le temps filait entre eux. Il devait être déjà 23h, voir minuit. Elle se demanda ce qu'il se passerait s'ils étaient aperçus en dehors de leur chambre à une telle heure. Elle n'était pas fatiguée, mais la conversation s'amenuisait et son caillou aussi. Sous peu ses doigts racleraient le sol et c'était un moyen de conversation très limité.
Elle se leva donc avec souplesse, avant de s'incliner légèrement vers Moon pour lui souhaiter une bonne nuit en quelques signes rapides et précis.