Rencontre hivernale. (Yuuki+Zeph')

DRIIIING !

Midi, Yuuki quitte le cours.
Elle emprunte le long couloir jusqu'à la salle des profs, y entre, salue ses collègues au passage et prend son obento dans son casier.
Elle monte l’escalier jusqu’au dernier étage et pousse la porte.
Un vent frais l’y accueille. Frais, mais pas froid.
Personne sur le toit, tant mieux. Yuuki désirait manger tranquille, elle sera servie.
La jeune femme s’installe à genou loin de la porte, de dos à celle-ci.
Elle déballe sa boite, étale le linge qui l’enveloppait sur le sol et y pose son repas.
Yuuki se verse un bol de thé, prend ses baguettes.

« Itadakimas ! »
Murmure-t-elle en s’inclinant et joignant ses mains au dessus de l’obento.

Elle débute son repas en silence, quand elle entend un léger bruit ; quasiment inaudible pour une oreille non entrainée. Seulement la sienne l’est. C’est le bruit caractéristique d’un manteau qui danse sous l’effet du vent. Elle ne se retourne même pas et continue de manger.

° Sûrement quelqu’un qui veut comme moi profiter du calme du toit pour une quelconque raison. Si cette personne veut parler elle viendra, et je lui répondrai. Si elle ne le veut pas, elle ne le fera pas. En tout cas, si elle essaie de me surprendre en arrivant en silence, ce sera raté. Je ne feindrai pas. Pas de mensonge. Droiture. °

Elle regarde son obento.

° J’en ai encore trop fait, s’il est agréable et s’il sait les formules de politesse, je partagerai avec lui. °

Yuuki regarde à travers le grillage de sécurité qui borde le toit, c’est une belle journée d’hiver, le ciel est bleu pâle; le soleil, bas comme toujours en cette saison, se reflète sur la mer que l’on peut à peine apercevoir au loin.
Soudain, une bourrasque emporte sa serviette ; d’un mouvement rapide, Yuuki se lève, saute et la rattrape juste avant qu’elle ne passe la barrière.
Toujours de dos à l’inconnu, elle reste debout, et observe les dernières feuilles d’arbre s’envoler dans le vent.

« L’arbre devient solide sous le vent. »
Chuchote-t-elle pour elle même.

Pendant ce temps, l’étranger avait avancé, même s’il demeurait encore assez loin d’elle.

Aujourd'hui n'allait pas être une bonne journée. Zephiranth le savait. Il avait la nostalgie des Etats-Unis. Ses anciens amis lui manquaient, son club de foot US lui manquait, et par dessus tout, son oncle lui manquait. Il jeta son réveil contre le mur en se levant. Dans un état de fatigue et de tristesse tel que le sien, la sonnerie du réveil, qu'il détestait déjà en temps normal, devint insupportable.
Lorsque son petit déjeuner fut avalé et sa douche prise, il enfila comme chaque matin son manteau, s'équipa de son sac et de son ballon et partit de chez lui. Préoccupé, il ne ferma pas sa porte à clé. Le trajet en train lui laissa tout le loisir de se lamenter. Aujourd'hui il éviterait tout contact avec ses camarades. Il n'était pas en état de jouer au crétin. Le train stoppa enfin sa course. il descendit du transport en dernier et continua son chemin à pied. Lui, qui d'habitude finissait le trajet en courant pour parfaire son entraînement, avançait cette fois-ci d'une démarche peu motivée.

*Et c'est reparti pour une journée de cours sans intérêt...*

Comme prévu, les cours ne furent pas passionants. Il attendait midi avec impatience. Les yeux fixés sur sa montre Il continuait de broyer du noir. Les minutes ne passaient pas. Le temps était sûrement ralenti par un sortilège quelquonque ou alors tout simplement par l'ennui... Enfin bref. Midi arriva enfin et la sonnerie avec. Là encore il fut le dernier à sortir. Trainant les pieds il déambula un moment dans le lycée pour trouver un endroit calme ou il pourrait être seul. L'escalier menant au toit apparut face à lui et il se décida à y monter.

*A cette heure-ci les gens mangent, doit pas y avoir grand monde sur le toit...*

Lentement il monta les marches du long escalier. Il s'arrêta un instant face à la porte laissa tomber son sac sans précaution et poussa doucement la porte. Il avança lentement, la tête baissée, les yeux clos. Le vent soufflait et la température n'était pas désagréable. Son long manteau flottait dans les petites bourrasques d'air frais. Le vent se fit tout à coup plus fort. Le jeune étudiant leva les yeux et s'aperçut que quelqu'un d'autre avait du vouloir être seul un moment. Apparemment, c'était une jeune femme. Les courants d'air avait emporté un bout de papier ou de tissu, impossible de bien le distinguer à cette distance. La demoiselle effectua un mouvement impressionnant et rattrapa son bien.

*Je vais aller m'installer un peu plus loin, si elle est venue pour la même raison que moi, je ne voudrai pas la déranger.*

Il s'éloigna donc de la jeune femme et s'assit contre un rebord toujours dans l'optique de déprimer. Il resta quelques minutes ainsi, le regard sur son ballon, pensant à son mentor. Tout de même intrigué par sa voisine de toit, il lui jeta un regard et s'aperçut qu'au même moment, elle faisait de même. Il lui adressa un sourire.

*Vivement que je me fasse de vrais amis ici... Enfin seulement si je fais l'abruti... Il n'y a que ça d'envisageable de toute façon. La dernière fois que je me suis montré plus intelligent que quelqu'un ça a mal fini.*

Yuuki, de dos au nouveau venu, l’écouta s’installer, assez loin de l’endroit qu’elle occupait. Il fallait bien se le dire, il savait se mouvoir en silence. Même chez les gens les plus doués, un tel niveau de discrétion était rare.
Cela titilla quelque peu son intérêt, la jeune femme se retourna donc. Il s’agissait d’un mâle, enfin, d’un garçon comme on dit. Comme prévu, il portait un long manteau. C’était un élève, sans aucun doute. Grand, blond et jeune. Même de loin, Yuuki parvint à observer son air. Il était clair qu’il n’était pas dans son assiette.
Le jeune homme se retourna et la regarda, par curiosité ou par sentiment d’être observé, peu importe. Toujours est-il qu’il lui sourit, mais ce fut seulement une expression passagère. Tout de suite, il reprit sa mine préoccupée. Politesse sans doute. Elle sourit aussi pour lui rendre la pareille.

Le jeune professeur se rendait parfaitement compte du spectacle qu’elle offrait. Habillée de son kimono blanc à motifs bleus, chaussée de ses Zōris, ses cheveux sans couleur flottant dans le vent, on aurait dit une scène tout droit sortie de l’ère Edo. Yuuki s’inclina profondément, ce qui sûrement ajouta encore à l’étrange de l’instant.
Le garçon quitta son visage morne. Au moins, la bizarrerie du moment l’avait quelque peu détourné de sa déprime. Yuuki en fut contente, même si elle ne le connaissait pas. Après tout, son grand-père lui avait appris que ce genre de sentiments était néfaste, et qu’il valait mieux être fort, plutôt que de se laisser aller à la tristesse comme elle en avait été tentée par le passé. Que le jeune homme se ressaisisse n’était donc qu’une bonne nouvelle.
Elle fit trois pas, afin de retourner à sa place, s’agenouilla et bu sa tasse de thé. Voyant que l’étranger l’observait toujours à la dérobée (sans doute craignait-il de la déranger en la regardant franchement), elle le salua à nouveau et d’un geste désigna son obento et surtout le thé. Il n’avait aucun repas avec lui, peut-être avait-il déjà mangé au réfectoire mais la proposition lui semblait tout de même une bonne chose. Il fallait que cet élève pense à autre chose, quoi de mieux qu’une petite conversation ?
Yuuki pensait ainsi. Mais il était possible qu’un élève ne se plaise pas à parler à un professeur. Seulement, la jeune fille assise là n’avait pas vraiment la tête d’un enseignant, et elle était vraiment jeune. De quoi être prise pour une simple élève. Et puis il y avait aussi le facteur de la timidité, même s’il ne semblait pas particulièrement l’être.

° Nous verrons bien s’il se lève. Tout cela me semble bien intéressant. °

A cette pensée, elle eu l’un de ces sourires effrayant qui la caractérisait, le sourire large d’un fou démoniaque, accompagné d'un regard vide. Ce n’était pas du tout qu’elle avait une arrière pensée, non, c’était juste une sale habitude qu’elle avait prise lorsque quelque chose l’amusait ou l’intéressait. Une sale habitude qu’elle avait prise tout le temps en fait, et qui ne devait pas trop donner envie de l’approcher en cet instant, ou peut-être l’inverse après tout…

Les pensées négatives envahissaient Zephiranth. Jamais il ne pourrait passer une bonne année s'il continuait à se morfondre. Mais même en le sachant, s'éloigner de la déprime et prendre du recul sur ses problèmes n'est pas toujours chose facile. Cependant, la jeune femme aux cheveux couleur neige permit à Zeph de se détourner de sa tristesse au moins pour un moment. Son allure semblait totalement détachée du monde réel. L'originalité attirait le jeune blond, elle l'intriguait. L'étrange demoiselle avait rendu son sourire à Zephiranth et lui proposa même, d'après ses gestes, de venir partager son repas. L'étudiant n'avait pas déjeuné mais n'avait pas faim. Il hésita un instant et au moment où il allait se lever, un sourire étrange apparut sur le visage de la jeune fille.

*Ouh là... C'était quoi ça ?*

Il haussa les épaules.

*Bon, De toute façon au point où j'en suis...*

Il se leva donc et s'approcha de celle qui serait peut-être sa première amie dans ce lycée. Il s'inclina légèrement en signe de politesse et s'assit à côté de sa nouvelle connaissance. Il écarta les mèches de cheveux qui génaient sa vision et remarqua un détail qu'il ne pouvait avoir vu à la distance à laquelle il se tenait auparavant. La jeune femme avait les yeux vairons. Un violet et un noir. Ce n'était pas courant. Ainsi, son originalité n'était pas présente que dans son style vestimentaire. Après l'avoir observé quelques instants, il se décida enfin à lui adresser la parole.

"Salut. Merci de m'avoir proposé de venir. Je voulais pas te déranger alors je me suis assis plus loin."

Zeph ne savait pas trop quoi dire. Il était plutôt sûr de lui d'habitude mais dans les mauvais moments, il perdait tous ses moyens. il fallait vite qu'il oublie les raisons de sa venue sur le toit s'il voulait pouvoir tenir une conversation normale.

"Je m'appelle Zephiranth Atéara, je suis enchanté de te rencontrer. tu es une nouvelle élève ?"