>T'es en retenue? Eh ben moi aussi! [pv Mamoru]

Dans sa tête, Yuri avait toujours été un élève plutôt respectable. Pas le genre qui pétait des scores, ça il n’avait jamais eu l’ambition de l’être. Mais un élève qui s’arrangeait pour rester le plus loin possible de toutes les embrouilles, question de garder son énergie à faire semblant d’étudier, et au moins passer son année. Il n’aurait pas pensé se retrouver devant la porte de l’enfer, le repère des loubards et des délinquants, en tout cas c’est l’idée qu’il en avait. Et j’ai nommé la salle des retenues! Bon c’était un peu stupide de s’affoler comme ça à cause d’une petite retenue bénigne, mais qu’est-ce que quelqu’un comme lui aurait pu imaginer d’autres qu’une bande de jeune complètements partis sur une substance quelconque, ou visiblement violents? Pas que le jeune homme avait peur de ces gens, non quand même. Il avait simplement l’impression, avant même d’être entré, de ne pas être à sa place dans cette salle de retenue. Pas qu’il soit un premier de classe, la preuve il s’était retrouvé ici, même si c’était par erreur. Mais l’innocence du jeune homme était visible, comme écrite en lettre rouge dans son front. De quoi il aurait l’air entre ces gens qui avaient vraiment mérités d’être là?

En effet, Yuri avait pris une mauvaise décision ce jour-là, un simple faux pas qui l’avait envoyé dans cette salle maudite. Comme à son habitude, au cours de l’après-midi, le prof de maths était en retard. Un bigleux au crâne luisant et à l’autorité défaillante, bref rien pour lui. Bien sûr, quelques petits rigolos avaient décidé de prouver à toute la classe leur grand talent en dessin, avec une jolie caricature de ce pauvre bonhomme. Bon pas pauvre bonhomme, Yuri n’avait pas grande pitié pour cet homme dont les devoirs lui faisaient passer des nuits blanches à taper son bureau avec sa tête car encore une fois il avait une réponse avec 7 chiffres après la virgule. Bref, il n’avait qu’à avoir de l’autorité et il y aurait peut être quelqu’un qui se serait levé dans la classe pour effacer le grotesque dessin. Mais le collégien s’était levé. Ces incapables n’avaient aucun sens de l’observation! On aurait dit une espèce de gros œuf difforme. Comment ce professeur pouvait se sentir insulté s’il ne reconnaissait même pas son portait hein? Un peu perfectionniste sur les bords, Yuri était intervenu :

-Attendez, ses lunettes ne sont pas comme ça, ni son nez d’ailleurs.

Il s’empara d’une craie et se mit à la tâche, accentuant quelques traits par-ci par là. Il n’était si bon que ça en dessin, mais c’était déjà moins pire que ces prédécesseurs, on pouvait comprendre de qui il s’agissait.

-Et voilà!, annonça-t-il avec fierté, Ce bide pendant, ce crâne d’œuf et cet air perdu, c’est bien lui!

Mais bizarrement, il n’entendit rien, pas un rire, pas une félicitation. C’était si laid que ça son dessin? Il se retourna vers l’assistance de la classe avec un air interrogateur. Interrogation qui se transforma en surprise, une très désagréable surprise. Alors que ses yeux bruns tombèrent sur, horreur et calomnie, le modèle de sa caricature. Il lui jeta un œil, ainsi qu’au tableau et décida qu’il avait quand même fait du bon travail, puisque, visiblement, le bonhomme c’était reconnu. Et évidemment même le plus beau de ces sourires ne put le sauver.

Et voilà comment il se retrouvait devant cette porte. Porte qu’il poussa, un œil clos pour atténuer le choc de moitié peut être. Au moins, il se faisait envoyer en retenue, mais il y allait pour de vrai. C’était une expérience de vie après tout. Yuri rouvrit son œil parce que ce que voyait l’autre n’était pas si pire. Il y avait quand même déjà du monde. Un mec isolé en arrière avec ses écouteurs, lui rappelant qu’il avait oublié les siens dans sa chambre et donc qu’il allait possiblement s’ennuyer à mourir. Il y avait également deux autres personnes plus avant qui chuchotaient entre elles, ce qui ne semblait pas déranger tant que ça le surveillant qui semblait bien occupé à faire autre chose. Le jeune homme, tout de même un peu hésitant, se dirigea vers le milieu de la classe Où il s’assit en faisant attention de ne pas faire trop de bruit avec sa chaise. Lui-même, il se trouvait déjà un peu stupide, faire attention comme ça, dans la salle de retenues, où personne n’avait quelque chose à foutre du fait qu’il fasse du bruit avec sa chaise ou pas. Il sortit une feuille, la tradition voulait qu’il s’applique à faire quelque chose de constructif. Mais déjà qu’il en était incapable dans sa vie, comment voulaient-ils qu’il fasse ça ici? Une longue longue retenue en perspective finalement. Yuri Hanamura aurait donné beaucoup pour revenir en arrière et laisser ce dessin affreux et méconnaissable, mais non, il fallait toujours qu’il s’en mêle!

[Désolé pour la mise en page pourrie, mon word a un grain u__u]

-Nous voici réunis de nouveau, ma belle.

Il fixait la porte brune, rien de plus ordinaire que cette
porte, qui le regardait béatement. Ah, lui et cette porte, une si grande histoire d’amour. Il avait été poussé dans ses bras, la première fois, par une série de circonstances bien fâcheuses. Et elle l’avait accueilli à bras ouverts. Depuis, leurs rendez-vous étaient presque réguliers. Il pénétra la pièce en se mordant la lèvre inférieure avec amusement, se rappelant la raison qui l’avait entraîné ici.

« Et alors la médecine moderne eut recourt à l’euthanasie,
qui était déjà pratiquée depuis… »

Et blablabla. C’était si ennuyeux. Et puis la tronche du prof ne faisait rien pour l’aider. Les yeux mi-clos, le front qui perlait de
sueur, le ton de voix las et éreinté. Il laissa sa tête tomber presque violemment sur son bureau et soupira. Que ça prenne fin, bon sang. Et après ça, cours de maths. N’importe quel garçon ayant son « allure » penserait que la vie était dure ainsi, mais le cours de math qui suivait était une consolation pour lui. Si si, je vous assure. Derrière ses airs de gamin délinquant qui n’écoute jamais ce qu’on lui dit, c’est un véritable cerveau de mathématiques. Le seul cours qui ne l’ennuyait pas. Et oui, attendre son cours préféré en étant plongé dans un ennui si intense était une torture. Et vu que c’était la première heure de la journée et qu’il se levait toujours du mauvais pied, je ne vous parle pas de son humeur. Et là, comme une cerise pourrie sur le gâteau, le prof vient le réveiller de son égarement avec une question plutôt inattendue.

- Alors Monsieur Fujino, qu’il avait dit, que pensez-vous de tout ce que je viens de dire ?
- J’sais pas.

Réponse directe, franche d’un ton acerbe qui ébranla quelque peu la patience de son cher enseignant.

- Pensez-vous que c’est une bonne idée de mettre un terme aux souffrances d’un mourant agonisant en ayant recours à l’euthanasie ? qu’il avait insisté.

Mais foutez moi la paix, j’m’en fous moi de vos histoires,
qu’il avait failli lui dire. Bon, s’il ne lui répondait pas il insisterait
quand même, il soupira donc et leva la tête.

- On est pas Dieu, on décide pas de donner la mort ou la vie. Pour moi c’est un crime, voilà.
- Ce que vous dites est sans fondements, peut-être pensez…
- Mais foutez moi la paix, ça sert à rien de débattre sur un sujet comme ça ! Qui est ce médecin si prestigieux pour décider de qui vivra et qui mourra bordel ?

Et voilà, il était coléreux, et têtu. Surtout têtu. Ce professeur l’avait énervé, il n’avait pas tenu sa langue, et tant pis. De toute
manière c’était pas si mal. Il serait exclu du cours et ce serait comme pour ainsi dire une « délivrance ». Mais non, il n’eut pas droit à ça. Juste à deux misérables heures de colle et aux regards dégoûtés de son enseignant pendant le reste du cours.

Oui, les circonstances qui le menèrent dans son habituel sanctuaire étaient risibles. Très. Et c’était souvent comme ça. La salle n’était pas aussi pleine que d’habitude, bizarrement. La grâce aurait-elle touché leur si modeste génération de par sa main lumineuse ? Impossible. Il continuait de fixer le tableau noir, les yeux perdus, l’air las, c’est alors qu’il entendit quelqu’un arriver, il détourna les yeux vers la porte. Un garçon pénétra la pièce, un garçon au visage angélique, qu’il n’avait jamais vu ici et
qui n’avait probablement rien à faire dans la salle de retenue. Il ne put s’empêcher d’esquisser un sourire en lui faisant signe de s’assoir devant lui.

-Bienvenue dans l’club.

Une expression surprise passa un instant sur le visage ovale du jeune homme alors qu’il avait aperçu cette personne qui lui faisait signe de s’assoir devant lui. Déjà cela contrastait avec cette idée qu’il s’était fait. Il regretta bien sûr tout de suite, quel genre de préjugés de premier de classe lui avait-on imbriqué dans la tête? Il y avait sûrement bien plus de gens honorables ici qu’il ne croyait. Mais il n’y avait pas foule comme il l’aurait cru. Ça faisait 10 secondes qu’il était entré ici et il se sentait vraiment comme une espèce de chèvre avec un sombrero sur la tête en pleine réunion de comptables. La métaphore n’est pas superbe, mais il se sentait exactement comme ça. Il prit son mal en patience avant de s’asseoir en avant du garçon aux cheveux brun-cuivrés, détestant cette manie qu’il avait de penser et repenser à une situation de la retourner dans tous les sens, pour faire ressortir tous les détails qui clochaient. Et le détail qui clochait dans cette salle de retenue, c’était lui. Il se retourna vers l’arrière en captant les salutations de l’autre. Lui non plus n’avait pas une tête de bandit, comme personne dans la salle d’ailleurs. Mais il avait quelque chose dans sa façon de se comporter, de parler, qui prouvait que lui assumait la raison de sa venue ici. Pas lui, pourquoi avait-il fait ça? Il aurait tellement préféré être envoyé ici pour une raison moins idiote.

-Ah merci, répondit-il tout de même, mais, je ne pense pas faire partie du club. Ce n’est pas comme si je venais ici souvent.

Ça il devait l’avoir deviné, il était le seul à avoir sorti une feuille. Feuille à laquelle il jeta un œil. Vide, il devait rendre son esprit aussi vide que cette feuille qui ne servait à rien. Le jeune homme aurait tout fait pour arrêter de stresser sur ce que tout le monde ici allait penser, la plupart n’en avaient rien à battre. Était-ce mieux comme ça en fin de compte? Yuri soupira, tant qu’à être pris ici pour des heures, autant mieux se décontracter, tu parles… Ce n’était qu’un petit deux heures et après il n’avait qu’à se tenir plus loin des tableaux pour éviter toute inspiration artistique soudaine et ça ne se reproduirait plus.

-Et si seulement j’avais eu une bonne raison d’être ici, déclara-t-il un peu plus pour lui-même que pour la discussion.

Après un autre regard pour le garçon d’en arrière, il leva les yeux au plafond, habitude qui l’avait pris lorsqu’il sentait que le temps allait être long. Une retenue, attendre que le temps passe, quelle méthode stupide, tout autant que de faire copier, tout ça n’apportait pas à réfléchir du tout. S’il avait vraiment voulu faire ce geste, il n’allait pas le regretter à cause d’un simple deux heures. Lui il regrettait, mais c’était une erreur. Ces autres qui n’en étaient pas à leur première fois, ils ne devaient pas vraiment se sentir si mal. Avec un sourire ironique, ses yeux bruns toujours rivés sur le plafond au motif étrange, il déclara :

-Ils ne s’attendent tout de même pas à ce que tout ça nous fasse réfléchir quand même?

La retenue n’était pas une solution à long terme, juste un petit placebo pour tenir l’élève tranquille pour un ou deux cours. En tout cas, de ce qu’il en voyait, peut être que ça marchait dans certains cas. Finalement, il ne pouvait pas s’empêcher de retourner la question et d’en inspecter les coutures, c’était une façon de passer le temps. Mais après tout, il avait quelqu’un avec qui converser, il pouvait remercier le ciel pour ça.

Il croisa ses bras sur le bureau et y enfouit sa tête. C’était
presque comme ça à chaque fois. Il s’endormait pendant les deux heures de colle, ensuite le soir il ne pouvait plus se coucher. Il n’avait pourtant jamais de quoi s’occuper, il essayait parfois de tisser des amitiés avec quelques compagnons d’infortune mais il s’avérait qu’ils étaient presque tous des crétins rebelles qui se font prendre exprès pour prouver leur « virilité ». Ils ne savaient pas tenir un sujet de conversation intéressant plus de deux
minutes et repoussaient catégoriquement tout ce qu’ils ne saisissaient pas. Longue analyse due à sa présence perpétuelle en leur si auguste compagnie. Du moins cela ne représentait que la petite majorité. Pour le reste c’était soit des infortunés innocents sur qui la faute avait été jetée, soit des élèves
normaux, un peu lunatiques et coléreux qui n’avaient jamais de chance avec les bons jours et les profs, ce qui était son cas.

Le merci qu’il lui adressa lui arracha un sourire. Après tout il devrait plutôt avoir pris sa remarque pour une ironie ou un petit
sarcasme innocent et s’être emporté, comme il en était le cas pour plusieurs, il l’avait quand même remercié de son « accueil. » Au moins une personne un peu moins ennuyeuse que les autres, se dit-il. Il semblait pourtant quelque peu « déprimé » de sa présence ici. Encore un sage toujours pas imprégné de l’habitude des punitions, ajouta-t-il à ses pensées.

Voyant que le jeune garçon relevait les yeux au plafond, il fit de même. Il avait en effet la fâcheuse habitude de se sentir obligé de faire exactement la même chose que la personne à ses côtés. Avait-elle exprimé une quelconque émotion en esquissant un geste qu’il l’imitait presque instinctivement. Si bien qu’à la longue on ne pouvait pas savoir ce qu’il pensait vraiment. Le plafond était blanc. Si blanc. Il s’y perdit un instant. C’est alors que son si charmant nouveau compagnon reprit la parole. La raison ? Ah, s’il prenait connaissance de toutes les raisons qui avaient menées Mamoru à pourrir deux heures –parfois plus, cela dépend du caprice du prof- dans une salle où l’oxygène semble ne pas mettre les pieds.

-Ils ne s’attendent tout de même pas à ce que tout ça nous fasse réfléchir quand même?

Il rouvrit les yeux et fixa le garçon devant lui. Puis, très lentement, doucement comme s’il ne voulait pas se faire entendre, il rit. Ce garçon qui se retrouvait pour la première fois puni dans cette salle avait posé la question qui lui épargnait la stupidité de se laisser emporter dans le courant des profs hypocrites, de ne pas entrer dans leurs jeux.

-Je ne sais pas, déclara-t-il ironique, et j’tiens pas à l’savoir.
Et puis je m’en fous pas mal, tant que ça me permet de piquer un somme.

Réfléchir sur quoi après tout ? Sur la « bêtise » qu’ils avaient faite ? Ne se rendaient-ils pas compte que pour la plupart de ses adolescents qui se font prendre la main dans le sac, ce qu’ils font n’a rien de mal ?

-Qu’est ce qui t’a flanqué dans ce trou à rats ? T’as pas une tronche de salle de retenue.

Demanda-t-il enfin en croisant ses bras un peu plus en avant
et en y callant sa tête.

Le jeune homme aux cheveux brun-roux se lassa bien vite de regarder le plafond. Il était blanc, tout blanc, un peu sale mais blanc, comme la feuille vide sur son bureau, ce truc « constructif » qu’il aurait dû faire. Bref, il n’y avait rien d’intéressant là dedans, pas comme la fois où il y avait calculé qu’il y avait près de 17 460 petits trous d’aération dans le plafond flottant de sa classe d’histoire, ennui et perfectionnisme, quand tu nous tiens. Peut être n’avaient-ils pas faits de trous dans ce plafond juste pour empêcher les gens comme lui de s’occuper stupidement. En tout cas, le surveillant ne semblait pas plus intéressé au fait qu’il entretenait une conversation avec le gars derrière lui, au moins il n’était pas tombé sur un mec sévère, s’il y en avait. Yuri fut tout de même surpris d’entendre le rire du garçon fasse à sa question. Oui, c’était une question un peu stupide lancée en l’air comme ça, mais il ne semblait pas rire comme s’il venait de tomber sur le pire des boulets, il y avait trop d’ironie dans son attitude pour cela. Il avait beau peut être le penser, du moins, il ne le montrait pas. Mais sa réponse lui démontra qu’il n’en savait trop rien non plus, en fait il s’en foutait pas mal qu’il disait. Il y était sûrement plus habitué que lui, car le garçon aux cheveux couleur bois le prenait de façon terre à terre. Comme une occasion de piquer un somme. Encore un truc qui lui prouvait qu’il était encore trop impressionnable. Ce prof ne l’avait pas vraiment envoyé en retenue avec un but éducatif de lui faire réfléchir à sa faute, simplement sous le coup de la colère de voir sa tronche ainsi dépeinte sur un tableau. Il y avait quelque chose de triste là dedans quand même, comme si réfléchir était rendu un luxe.

Il jeta un regard en coin derrière lui en entendant la question de l’autre qui semblait s’intéresser à la raison qui l’avait amené. Il était assez content de cette attention, qui lui permettait de passer le temps, mais il n’avait pas du tout envie de le dire. Dans beaucoup de cas, l’habit faisait le moine et il était clair qu’il n’avait pas une tronche à retenue, mais son délit était vraiment pour ainsi dire nul. Sur l’échelle de la classe, il n’arrivait même pas à atteindre le premier barreau. Et au moins si ça avait eu quelque chose de comique, il aurait pu en faire une anecdote croustillante. Il se cala sur le dossier de sa chaise qui s’inclina un peu vers l’arrière alors qu’il réfléchissait à une manière de ne pas en dire trop. Après un autre soupir discret, il répliqua :

-Je vais t’épargner une histoire vraiment stupide et immature en te disant que j’ai eu un souci d’exactitude au mauvais moment et au mauvais endroit.

Ouais, il aimait bien cette réponse, elle avait quelque chose de mystérieux et un peu sérieux. Le collégien espérait juste que cela n’accrocherait pas l’attention de son interlocuteur, car le reste du récit était vraiment sans intérêt. Il enchaîna donc rapidement pour dévier la question sur lui :

-Et toi, t’as fait quoi?

[Désolé du retard et puis c'est court, pardon pour ça aussi.^^’]